Les dirigeants concilient avec brio vie de famille et vie entrepreneuriale

La dernière étude « Chef d’entreprise, chef de famille » du laboratoire d’idées de Bpifrance montre comment les dirigeants et dirigeantes des PME et ETI concilient vie de famille et vie entrepreneuriale. Elle révèle également à quel point la famille constitue un ingrédient indispensable pour la réussite de l’entreprise. Revue de détails.

(c)Adobestock
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Huit dirigeants sur dix se disent satisfaits de la façon dont ils concilient leur vie familiale et leur vie de chef d’entreprise. C’est l’un des résultats de la dernière enquête réalisée par Bpifrance le Lab*. « Le taux de satisfaction est assez impressionnant », commente Philippe Mutricy, directeur des études. Autre résultat étonnant, un chef d’entreprise sur deux estime qu’il est facile de parvenir à cet équilibre. À titre de comparaison, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ne serait que de 12% pour les salariés, selon une étude du cabinet de recrutement Robert Half. « On un écart extrêmement fort », poursuit le directeur.

Cloisonnement des deux sphères

Avec 40% de dirigeants qui comptent des membres de leur famille au capital de leur entreprise, un quart dont le conjoint travaille au sein de leur entreprise et 57% qui évoquent leurs sujets stratégiques à la maison pour enrichir leur réflexion, on pourrait penser qu’« il y a une fusion, voire une confusion totale entre vie familiale et vie entrepreneuriale », note Élise Tissier, directrice du Lab de Bpifrance. Ce qui n’est en réalité pas le cas : 74% des dirigeants s’efforcent de cloisonner les deux, préférant préserver une certaine étanchéité. Le trajet domicile-entreprise constituant parfois la séparation et le sas nécessaire. En témoigne Sandrine Gascon, dirigeante de l'entreprise l'Homme et la Pierre, spécialisée dans la taille, le façonnage et le finissage de pierres à Poussan dans l’Hérault (huit salariés) qui prend sa voiture tous les matins pour se rendre dans son entreprise, alors que celle-ci se situe à quelque 50 mètres de chez elle. « Psychologiquement, je peux ainsi me dire ‘'je me rends à mon travail" », explique-t-elle.

Autre chiffre qui prouve que les frontières entre les deux mondes existent, le poids de la famille dans les décisions stratégiques est évalué à 4,4 sur 10 par les dirigeants, soit une note inférieure à la moyenne. « C’est comme s’il y avait une scission dans l’espace mental du dirigeant au moment de sa prise de décision », commente Élise Tissier. Enfin, les grands événements familiaux ont finalement peu d’influence sur la vie de l’entreprise. Ainsi, respectivement 71% et 61% des chefs d’entreprise n’ont pas remis en question le pilotage de leur entreprise à la suite de la naissance de leurs enfants ou de leur divorce. Toutefois, l’inverse semble moins vrai : 78% estiment être préoccupés par les enjeux de leur entreprise, même lorsqu’ils se trouvent en famille.

La liberté comme moteur

Paradoxalement, neuf dirigeants sur dix signalent des difficultés. « Si elles existent, cela montre qu’ils sont capables de les résoudre et que cela n’affecte pas leur satisfaction à concilier leurs deux univers », expose Élise Tissier. Principal atout de l’entrepreneuriat, la liberté, qui apparaît comme une motivation extrêmement forte. « S’ils ont un temps de travail largement supérieur à 50 heures par semaine pour plus des trois quarts d’entre eux et doivent sacrifier parfois des soirées ou des week-ends, les dirigeants restent libres de s’organiser comme ils le souhaitent. Cette liberté est un facteur qui vient faciliter la conciliation de ces deux univers. Ils ont fait le choix de cette vie débordante qui leur va bien », commente Philippe Mutricy.

L’étude met également en avant les principaux moteurs des dirigeants ; parmi eux, l’adrénaline de l’action, le don d’ubiquité, le fait de devoir trouver des solutions, de développer son entreprise… Leurs principales motivations ? L’excitation du lancement des projets ou encore les défis stratégiques. Offrir un niveau de vie confortable à sa famille n’apparaît qu’en dernière position : il ne semble pas qu’ils créent une entreprise pour avoir un niveau de vie important et protéger leur famille.

Soutien familial

Écoute, énergie, conseils, soutien, le rôle de la famille est clé dans la réussite des chefs d’entreprise. Elle est là pour l’accompagner et l’épauler dans son aventure. « On pourrait l’assimiler à un actif immatériel à haute valeur pour les entreprises », constate Élise Tissier. Ainsi, huit dirigeants sur dix confient que leur famille leur permet de se détendre et de se ressourcer avant et après le travail. Pour Sandrine Gascon, la famille est ainsi « une bouffée d’air et d’oxygène qui permet de mieux supporter les tracasseries du quotidien. Elle aiguille, soulage, repose et permet de redonner de la force pour aller de l’avant », confie la cheffe d’entreprise.

Au-delà de la famille vécue comme un refuge réparateur, celle-ci constitue également un véritable soutien psychologique : 65 % des chefs d’entreprise estiment que c’est notamment grâce au soutien de leur famille que leur entreprise a pu connaître un tel niveau de développement. Ils trouvent également chez leurs proches un appui et un regain de motivation avec 82% d’entre eux qui jugent que leur famille les encourage dans leurs objectifs entrepreneuriaux.

La famille joue enfin le rôle de garde-fou pour ne pas travailler nuit et jour, prendre du recul et éviter de confondre son entreprise et sa propre personne. Elle constitue ainsi parfois un « frein nécessaire » selon les mots de l’un des dirigeants interrogés pour apporter des pauses salutaires dans un agenda souvent chargé. En revanche, elle peut aussi freiner le développement de l’entreprise avec près d’un quart d’entre eux qui aurait renoncé à des projets stratégiques - projet de croissance externe, développement à l’international - afin de ne pas nuire à leur vie familiale. Sachant qu’ils sont 93% à rencontrer des difficultés pour répondre à leurs obligations entrepreneuriales et familiales, dont 36% souvent, voire tout le temps. Cela n’entame pas pour autant leur satisfaction dans l’équilibre qu’ils ont trouvé entre les deux sphères.

*Enquête statistique menée auprès de 1 638 dirigeants de PME et ETI, dont 87% d’hommes et de 20 dirigeants et experts (chercheurs, avocats, psychologues...)