Les entrepreneurs nés dans la crise visent une économie durable

La crise n'a pas freiné l'envie d'entreprendre des Français. Mais les préoccupations sociétales des créateurs se sont accrues, d'après un sondage du réseau d'accompagnement, Initiative France.

Guillaume Pepy, lors de son exposé.
Guillaume Pepy, lors de son exposé.

La crise aurait-t-elle généré un nouveau type d'entrepreneurs ? Le 7 décembre, à Paris, Initiative France, réseau de financement et d'accompagnement des entrepreneurs, dévoilait les résultats de sa dernière étude « La nouvelle envie d'entreprendre. Après la crise, une nouvelle génération d'entrepreneurs ». À la base de celle-ci, un sondage mené auprès de 1 565 entrepreneurs soutenus par le réseau en 2020 et 2021, années de création de leur société. Ses résultats ont de quoi surprendre. Tout d'abord, constate Guillaume Pepy, président d'Initiative France, « la volonté d'entreprendre a été plus forte que la crise ».

Et les motivations avancées par les sondés confirment que la création d'entreprise ne constituait pas une solution de dépit : 1% seulement déclare qu'il n'avait pas d'autre choix car sans emploi, et un autre pour cent 1%, qu'il s'agissait de la seule possibilité pour exercer sa profession. Un mythe est battu en brèche, celui de « l'entrepreneur innovant qui a trouvé idée géniale», selon les mots de Guillaume Pepy. Il ne représente que 4% de l'échantillon…

En fait, les motivations dominantes des créateurs (ou repreneurs) d'entreprises sont pour 47% d'entre eux l'indépendance, le souhait d'être son propre patron ; 20%, le goût d'entreprendre et d'affronter des défis, et 15%, déployer une activité qui fasse sens... « Ce qui domine, c'est l'autonomie, le challenge, la capacité à mieux concilier vie professionnelle et personnelle », analyse Guillaume Pepy. Autre constat de l'étude, une appétence pour le changement : les trois quarts (76%) des personnes concernées n'avaient jamais créé d'entreprise auparavant. De plus, « 37% se sont lancés dans une toute autre activité que celle dont ils provenaient », poursuit Guillaume Pepy. Dans cette démarche, la crise a, dans certains cas, constitué le déclic qui a présidé à la décision de se lancer dans ce projet : c'est le cas de 30% des sondés âgés de moins de 30 ans (9% de l'échantillon). Pour autant, une partie non négligeable de ces néo-entrepreneurs sont engagés dans une démarche de long terme, de développement de leur entreprise : la moitié environ des fondateurs d'entreprises nées durant la crise se déclarent prêts à embaucher un ou plusieurs salariés.

Parmi les enjeux partagés, le sens

Outre à déclencher la démarche d'entreprendre chez certains, la crise a également joué le rôle de « catalyseur » de changement de la vision de l'entreprise, constate Guillaume Pepy. Sur le thème du digital, en particulier, « la bascule est faite », estime le président de France Initiative. En effet, 78% des sondés considèrent que la stratégie numérique est « importante » ou « très importante ». En décembre 2020, le tiers seulement des entrepreneurs du réseau plaçaient ce sujet en priorité…

Autre évolution fondamentale, celle concernant les thèmes du territoire et de l'environnement. En particulier, « il y a un an, lorsque nous demandions aux entrepreneurs s'ils prenaient en considération leur impact écologique, 57% répondait oui. Un an plus tard, ils sont 71% », souligne Guillaume Pepy. Et le témoignage des entrepreneurs présents à la conférence (qui ont créé leur entreprise en 2021) illustre ce changement : « C'est le zéro carbone qui prime(…). Chez moi, pas de bananes », explique Mathieu Contamine, fondateur de La Miam Locale, une épicerie de produits locaux, en circuit très court, basée à Gif-Sur-Yvette (Ile-de-France). 80% de ses producteurs sont situés à moins de 50 kilomètres. Et Mathieu Contamine s'est fixé une limite à 200 kilomètres, ce qui exclut les agrumes de Corse... Quant à Clara Kimakuiza, qui s'apprête à lancer un site de e-commerce sur la mode, « Définissez ! », elle travaille à limiter au maximum les impacts du packaging au niveau écologique, et a opté pour le Made in France pour la production.

Dernier exemple, enfin, celui de Marie-Elisabeth Ravasse, qui a repris l'exploitation agricole familiale. Mais en changeant tout : l'exploitation de grandes cultures (céréales, betteraves), en agriculture conventionnelle, est progressivement reconvertie en bio, avec diversification des céréales cultivées, instauration d'une rotation de cultures, prairies diversifiées, démarrage d'un élevage ovin en plein air, en synergie avec les cultures. « J'ai beaucoup de respect pour l'agriculture conventionnelle (…). Mais cela ne correspond pas à nos modes de consommation, nous voulions autre chose », explique Marie-Élisabeth Ravasse.

Les difficultés administratives en tête des problèmes rencontrés

Les formalités administratives constituent le premier type de difficultés cité par les entrepreneurs, au moment de la création de leur société (47% d'entre eux). Loin derrière, vient le financement (29%), suivi du choix du statut ou régime adéquat (25%).