Les PME naviguent dans la crise

Les PME et TPE anticipent une diminution de leur activité en 2023. Pour autant, elles maintiennent des projets d’embauche et d’investissement - redimensionnés - , montre la dernière enquête de conjoncture de Bpifrance.

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Avec la crise des boulangers, y aurait-il un effet loupe sur les professions les plus impactées par la flambée des prix de l’énergie ? Lors d’une conférence de presse en ligne, Bpifrance livrait les résultats de sa 76 ème enquête semestrielle de conjoncture. Celle-ci vise à évaluer la situation en 2022 et les perspectives des TPE-PME en 2023 en termes d’activité, d’emploi, de trésorerie et d’investissement, dans le contexte de la crise énergétique. Et les perspectives que reflètent les réponses des entrepreneurs ne sont, dans leur ensemble, ni catastrophiques ni catastrophistes, en dépit de prévisions plutôt sombres. En effet, en 2023 « nous nous attendons à une activité plutôt atone. Ce sera une année de ralentissement assez net », explique Baptiste Thornary, responsable études économiques et conjoncture chez Bpifrance.

L’indicateur prévisionnel d’activité de l’étude chute de 25 points sur un an pour atterrir à +6. Ce niveau est inférieur de 11 points à sa moyenne de longue période. Et c’est l’ensemble des secteurs qui sont concernés, même si de manière inégale. La baisse la plus significative touche le tourisme qui a connu une année exceptionnelle en 2022, tandis que les services résistent mieux. Ces perspectives sont lourdes de conséquences pour la trésorerie des entreprises : cet indicateur recule de 12 points sur un an pour atteindre −15, nettement sous sa moyenne de long terme (-4). « En 2022, nous avions encore un niveau de trésorerie encore confortable (…), mais le coussin amortisseur de liquidités va continuer à se réduire », éclaire Baptiste Thornary.

Autre tendance perçue : une dégradation de la rentabilité dans tous les secteurs, attendue par 24 % des entrepreneurs, contre 12% d’entre eux un an plus tôt. Partant, le degré de confiance des entreprises dans l’avenir a baissé partout dans le pays, quelle que soit la région, même si certaines restent plus optimistes en fonction de leurs orientations sectorielles. C’est en particulier le cas de l’Île-de-France, très tournée vers les services. Autre perspective attendue pour 2023, « l’inflation devrait rester substantielle, même si elle devrait être en repli », note Baptiste Thornary. Au niveau des salaires, par exemple, 42% des entreprises prévoient des augmentations, dont 14% de manière plus importante que l’année précédente.

Pas de « surréaction » des entreprises

En dépit du contexte, « nous constatons une forme de résilience (…). Il n’y a pas de sur-réaction face à un environnement économique qui se dégrade », analyse le responsable. Plusieurs indicateurs vont en ce sens. En particulier, « les PME continuent à vouloir investir, même si elles révisent les montants », explique-t-il. Au total, 51% des petites entreprises déclarent vouloir investir, contre 53% en 2022, un niveau dans la moyenne de long terme. En revanche, les montants, en repli, se situent sous la moyenne de long terme. Autre signe d’optimisme notable, la résistance des perspectives d’emploi. L’indicateur prévisionnel a certes diminué de 12 points sur un an, pour tomber à +17, mais il reste nettement au dessus de la moyenne de longue période.

Côté financement, « l’accès reste ouvert du côté des banques, même s’il est devenu plus cher », juge Baptiste Thornary. Et enfin, sur le sujet du PGE, Prêt Garanti par l’État, « nous avons toujours une bonne partie des PME qui ne l’ont pas consommé, ou du moins pas en totalité, même si cette proportion augmente », poursuit le responsable. Fin 2022, 57 % l’ont consommé en majorité. Et d’après l’étude, le taux de PME qui craignent de ne pas pouvoir le rembourser demeure stable à 5 %. Le constat de l’enquête, cette absence de « surréaction » des chefs d’entreprise à la crise pourrait, notamment, tenir au fait que l’ensemble des PME ne sont pas également impactées par la crise de l’énergie, d’après les analystes de Bpifrance. 54% d’entre elles sont protégées des envolées des prix, du moins à court terme, parce qu’elles disposent de tarifs réglementés ou alors de contrats à prix fixes, dont le renouvellement intervient après 2023. En fait, d’après l’étude, les petites entreprises les plus vulnérables, qui ont un contrat fixe avec un renouvellement prévu avant fin 2023 ou un contrat indexé sur le prix de marché, représenteraient 20 % de l’ensemble, et 35 % dans le secteur industriel. Toutefois, « en 2023, l’énergie va être l’un des éléments déterminants du comportement des PME et des TPE », estime Baptiste Thornary.

Des prémisses, en 2022

L’étude Bpifrance montre que l’activité des PME et des TPE a déjà commencé à ralentir en 2022. Le solde d’opinion relatif à l’évolution du chiffre d’affaires était de +27, soit 8 points de moins que l’année précédente, mais toujours nettement au dessus de sa moyenne historique (+14). En moyenne, d’après les réponses, le chiffre d’affaires a augmenté de +5,7% en 2022, après +7% en 2021. Cette évolution reflète aussi l’inflation et elle comporte de fortes disparités sectorielles. Tourisme et transport ont vu leur activité se développer, tandis que celle des autres secteurs a ralenti, l’industrie résistant mieux que le commerce et la construction. Cette dernière a subi des contraintes fortes de production et de recrutement. Et, globalement, l’impact de la crise de l’énergie s’est fait sentir : 55% des PME ont témoigné d’un impact jugé significatif, 5% supplémentaires estimant qu’il était de nature à mettre leurs résultats financiers en péril.

Au niveau des carnets de commande, un ralentissement a commencé à être observé, qui, joint à une pression toujours plus forte sur les coûts, a pesé sur la dynamique des montants de l’investissement, même si le nombre de PME qui déclarent vouloir investir n’a pas diminué. Mais là aussi, les différences sont sectorielles : transport et tourisme ont conservé un niveau d’investissement supérieur à la moyenne de long terme, contrairement à la construction et aux services. Et la tendance à la baisse n’est pas à chercher au niveau de l’accès au financement bancaire, en dépit d’une petite remontée des difficultés au dernier semestre, celles-ci restent limitées. Le coût du crédit a fortement augmenté, qui est nouvellement identifié comme un frein par le tiers des entreprises. Une donne qui fait à présent partie de l’équation.