Transports

Les transports investissent pour oublier la crise

La fréquentation des transports continue à souffrir de la crise du covid. Les acteurs, publics et privés, déploient leurs arguments et, surtout, promettent des investissements. Mais ils sont confrontés à une pénurie de conducteurs de bus.

Un TER en gare de Périgueux.
Un TER en gare de Périgueux.

« Moins de bouchons, pas de pollution, plus d’assurance, fini le plein d’essence, adieu les radars, du temps pour un polar… Qu’est-ce que vous voulez de plus pour prendre le bus ? ». Cette accumulation d’arguments s’affiche en blanc et noir sur fond rose, sur un quai de la gare de Bordeaux, ainsi que dans les arrêts de bus et de tram d’une centaine de villes. Autrefois timorés, se contentant de vanter la ponctualité ou des vertus écologiques, les acteurs des transports publics, entreprises, et collectivités réunies, passent à l’offensive.

Louis Nègre, maire (LR) de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) et président du Groupement des autorités responsables des transports (Gart), qui rassemble les élus concernés, assume ce positionnement, qui vise clairement à s’attaquer à la « part de marché » de la voiture individuelle. « L’OMS [Organisation mondiale de la santé, ndlr] préconise 30 minutes d’activité physique par jour », rappelle-t-il. Or, les transports publics, parce que le bus passe rarement au pied du domicile, « favorisent la marche », poursuit l’élu, qui s’étonne, « tous les matins, en écoutant la radio, du nombre de kilomètres d’embouteillages ». Dans l’agglomération niçoise, où il est élu, Louis Nègre rappelle que « le tramway a remplacé les files de stationnement, et qu’il y a désormais plein de piétons, sans que cela provoque une révolution ».

Septembre est le mois des « bonnes résolutions », renchérit Marc Delayer, vice-président de l’Union des transports publics (UTP) qui réunit les entreprises du secteur. « Le budget consacré par les ménages aux transports est 16 fois moins élevé que celui qu’ils réservent à la voiture », insiste-t-il. La traditionnelle « semaine de la mobilité », lancée à la mi-septembre, a donné l’occasion aux collectivités de lancer des actions promotionnelles en direction des catégories les plus rétives aux métro, au tramway ou au bus.

Riche idée, car les opérateurs ont intérêt à trouver de nouveaux clients. L’usage, très affecté jusqu’au printemps dernier par les confinements, les couvre-feux et le télétravail, n’a pas retrouvé son niveau de 2019. « Nous enregistrons une fréquentation quasi-normale le dimanche ; elle demeure à un niveau élevé le samedi, mais ne dépasse pas 75 à 85% la semaine », détaille Claude Faucher, délégué général de l’UTP. Même si Louis Nègre veut croire à une « transition post-covid », l’usage professionnel du train ou des réseaux urbains continue à subir la concurrence du travail à domicile. Les voyages d’affaires enregistrent même une baisse de 70% par rapport à 2019, précise Claude Faucher. En revanche, les déplacements de loisirs ont retrouvé des couleurs, comme en témoignent les trains complets de retour de week-end, en ce mois de septembre. En termes de recettes tarifaires, les transports publics déplorent un manque à gagner « de 30 à 40% ».

Louis Nègre demeure toutefois optimiste : « Une fois qu’on a goûté aux transports publics, on constate qu’il n’existe rien de plus performant », en passant toutefois sous silence les retards, les services interrompus ou les difficultés à se procurer un billet que dénoncent régulièrement les associations d’usagers.

900 millions d’euros d’investissements

Justement, pour répondre à ces désagréments, le Gart propose de « faire des investissements ». L’État a lancé, fin 2020, un appel à projets aux collectivités afin de les aider à financer des lignes de tramway ou de bus, ainsi que des gares « multimodales », donnant accès à plusieurs moyens de transport. Cet appel à projets, le quatrième depuis 2009, a été un succès. Le Gart avait reçu 200 dossiers de la part de 110 autorités organisatrices de mobilités (AOM), le nom des collectivités quand elles s’occupent des transports.

Le total des budgets demandés atteint 11 milliards d’euros. Or, le Gouvernement n’avait promis que 450 millions d’euros, auxquels le Sénat, par les discussions budgétaires, avait ajouté 50 millions. Mais cette somme « n’est pas à la hauteur de l’enjeu », estimait le 8 septembre Louis Nègre, alors que le gouvernement « déploie des milliards pour l’automobile ou l’aéronautique ». Le Gart, lors d’un rendez-vous avec le Premier ministre, Jean Castex, a réclamé « un doublement, au moins, de cet appel à projets». La doléance a pratiquement été entendue, puisque le gouvernement annonçait, le 13 septembre, l’octroi de 400 millions supplémentaires.

Mais le secteur est confronté à d’autres difficultés. Les réseaux de bus, urbains et surtout interurbains, peinent à recruter des conducteurs. La pénurie affecte notamment l’Alsace, où un millier d’élèves ont été privés, après la rentrée, de cars scolaires. À l’échelle européenne, 17% des postes de conducteurs de cars et de bus seraient vacants, selon l’Union internationale des transports routiers.

Ne conviendrait-il pas, pour fidéliser ces salariés, de leur proposer de meilleurs salaires ? L’UTP, défend, comme toute organisation patronale, les décisions prises par ses membres. « 99% de nos conducteurs en milieu urbain sont en contrat à durée indéterminée. Le rapport social de l’UTP montre qu’ils gagnent en moyenne 2 500 euros brut par mois », avance Claude Faucher. En revanche, le délégué général admet que les chauffeurs des cars interurbains travaillent souvent « à temps partiel subi ». L’UTP promet de promouvoir « la polyvalence des métiers », pour éviter que des employés s’usent à parcourir « la même ligne de bus pendant 15 ans » et s’engage à recruter davantage de femmes, qui ne représentent que 10% de la profession. Le slogan choisi en cette rentrée par les transports publics prend alors une autre résonance : « Qu’est-ce que vous voulez de plus pour prendre le bus ? »