Licenciement sans cause réelle et sérieuse : les barèmes Macron vont-ils résister ?

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : les barèmes Macron vont-ils résister ?

L’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a bouleversé les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse en imposant au juge de respecter un barème de dommages et intérêts, dont les montants planchers et plafonds dépendent de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

La mise en place de ce barème devait, notamment, permettre aux entreprises d’évaluer les risques financiers d’une rupture du contrat de travail. Cependant cette mesure, décriée par certains, est contestée par plusieurs juges du fond.

  1. Incertitude quant à l’application de ce nouveau barème d’indemnisation

Avant même sa ratification, cette ordonnance avait fait l’objet, devant le Conseil d’État, d’une action en référé-suspension sur le fondement :

  • d’une part, de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail, qui impose le versement d’une « indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié ;
  • d’autre part, de l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Le Conseil d’État a cependant jugé que le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse n’entrait pas en contradiction avec ces traités, notamment parce que le juge français conservait une certaine marge de manœuvre, qui lui permettait d’accorder une réparation en lien avec le préjudice subi. Cependant, depuis quelques semaines, une quinzaine de conseils de prud’hommes ont rendu des décisions contraires à ce barème en s’appuyant sur les deux textes internationaux susvisés (la convention 158 de l’OIT et la Charte sociale européenne).

Amiens, Troyes, Lyon…

À chaque fois, les conseils ont estimé que l’application de ce plafonnement ne permettait pas d’octroyer une réparation suffisante au salarié licencié. À l’inverse, certaines juridictions l’ont suivi. La passe d’armes entre opposants et partisans du barème fait rage. Ces décisions ouvrent donc une période d’incertitude, car certains conseils de prud’hommes sont susceptibles de s’inscrire dans la jurisprudence “Troyes-Amiens-Lyon”.

  1. La prise de position du gouvernement

Face à la multiplication des jugements prud’homaux qui s’affranchissent du plafonnement des indemnités pour licenciement abusif, le ministère de la Justice a adressé à l’ensemble des procureurs généraux une circulaire pour rappeler la position du gouvernement. En effet, dans une circulaire de deux pages, datée du 26 février, et révélée par Actuel-RH, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, demande aux Présidents de Cours d’appel et de tribunaux de grande instance d’informer la direction des affaires civiles du sceau des nouvelles décisions qui écartent le barème d’indemnités prévu par les ordonnances. Chaque Cour d’appel devra aussi communiquer sa décision afin de « pouvoir intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur (…) l’application de la loi ». Le texte rappelle enfin que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont validé ce barème. Difficile, pour le moment, de mesurer les conséquences de cette prise de position gouvernementale sur les futurs débats. La Cour d’appel de Paris, saisie de l’inconventionnalité du barème Macron, devrait entendre l’avis de l’avocat général sur le sujet lors d’une audience exceptionnelle qui se tiendra le 23 mai 2019. En tout état de cause, pour y voir plus clair, employeurs et salariés devront attendre que l’une de ces affaires arrive devant la Cour de cassation. Celle-ci décidera alors une fois pour toutes si le barème Macron est conforme ou non à la convention 158 de l’OIT et/ou à la Charte sociale européenne !