Loi 3DS : les communes ou EPCI peuvent réglementer l’implantation des éoliennes

Le sujet est sensible et l’enjeu de taille, avec un objectif gouvernemental affiché, depuis l’adoption de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, de 6 500 éoliennes supplémentaires implantées d’ici à 2030. À quelques semaines de l’élection présidentielle et alors que ce thème s’est invité dans le débat, les sénateurs ont réussi à imposer leurs vues et à modifier le Code de l’urbanisme en ce sens. Explications.

(c)Adobestock
(c)Adobestock

Sans doute le dernier grand texte législatif du quinquennat, la loi « relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale » aussi appelée « loi 3DS » se voulait être une réponse aux revendications du mouvement des « Gilets jaunes ». Le Sénat a saisi l’occasion pour y imposer ses vues.

En ce qui concerne l’éolien, le texte adopté en première lecture conférait au maire un pouvoir quasi discrétionnaire. Il était même prévu que le conseil municipal puisse soumettre le projet d’implantation à référendum local. Le compromis trouvé en Commission Mixte Paritaire (CMP) est plus mesuré, au point même qu’on peut désormais douter de son utilité par rapport à l’état antérieur du droit.

Interdiction ou régulation ?

La loi « 3DS », promulguée le 22 février dernier, insère dans le Code de l’urbanisme, dans la partie relative au contenu du PLU (plan local d’urbanisme), un article L. 151-42-1 qui dispose que « le règlement peut délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est soumise à conditions ». Une remarque s’impose d’emblée : l’implantation des éoliennes ne peut être que « soumise à conditions », et non pas interdite.

À cet égard, et bien que la question de la possibilité de leur interdiction ait été posée pendant la discussion, les débats parlementaires sont peu diserts sur le sujet. Le sénateur du Val d’Oise, Alain Richard (LREM), évoquait simplement en Commission que « des conditions de distance par rapport à tel ou tel lieu peuvent également s'imposer. Leur cumul aboutira rapidement à l'impossibilité de réaliser l'implantation d'éoliennes ». Il reviendra in fine au juge administratif de trancher cette question.

Les critères de régulation

Très concrètement, il s’agit simplement, pour les auteurs d’un plan, de créer un nouveau règlement graphique fixant des zones dans lesquelles l’implantation d’éoliennes n’est pas libre, mais réglementée. Selon le député de l’Eure, Bruno Questel (LREM), co-rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, « le compromis consiste à en revenir, peu ou prou au système des zonages, qui prévoit la régulation de l’installation d’éoliennes à certains endroits en fonction de critères objectifs ».

Ainsi, dans les zones délimitées, les prescriptions du règlement écrit s’imposeront aux promoteurs qui devront s’y soumettre, sous peine de se voir automatiquement refuser l’autorisation nécessaire. Cette réglementation peut, par exemple, s’attacher à la hauteur des éoliennes, à leur densité ou à leur espacement entre-elles. Toutefois, la délimitation de ces zones n’est pas laissée à la libre appréciation des communes ou EPCI. Le texte pose des critères permettant de les définir. Une zone réglementée peut être fixée au regard de l’incompatibilité d’un projet éolien avec le voisinage habité, avec l’usage des terrains situés à proximité, les espaces naturels et les paysages, ou de l’atteinte portée à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant.

Les critères sont donc larges et assez permissifs. D’autant plus que le contrôle du juge administratif en la matière est un contrôle restreint, limité à l’erreur « manifeste » d’appréciation.

Une procédure de modification simplifiée du PLU

Le II de l’article 5 sexies de la loi 3DS précise que l’autorité compétente (commune ou EPCI) peut procéder à l’évolution du plan local ou intercommunal d’urbanisme « visant à intégrer les éléments mentionnés à l’article L. 151421 du Code de l’urbanisme, selon la procédure de modification simplifiée, prévue aux articles L. 15345 à L. 15348 (...), après enquête publique (…), selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État ».

Attention toutefois, la modification des PLU en vue d’intégrer ces nouveaux éléments doit impérativement s’effectuer dans un délai de six ans à compter de la promulgation de la Loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique, soit au plus tard, jusqu’au 22 août 2027.

Quelle nouveauté par rapport à l’état du droit antérieur ?

Depuis longtemps déjà, des communes, et surtout certains EPCI, se permettaient de réglementer l’implantation des éoliennes dans leur PLU. Ce phénomène devenait tellement important que, fin 2019, le ministère de la Transition écologique et solidaire a publié un « Guide à des destination des élus » sur « l’éolien et l’urbanisme ». Il y était notamment rappelé que cette implantation pouvait faire l’objet d’OAP (orientations d’aménagement et de programmation) ou d’emplacements réservés. Le guide évoquait également la possibilité de limiter l’implantation des éoliennes par le biais du règlement du PLU. Cette réglementation est surtout utile dans les zones A et N (agricoles et naturelles). Par définition et au regard des règles de co-visibilité avec les bâtiments historiques et de la réglementation ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) qui fixe des règles de distance par rapport aux habitations, les zones urbaines (U) sont très peu propices à toute forme de réglementation sur l’implantation des éoliennes.

Finalement, eu égard à toutes ces possibilités, on se demande ce que cette réforme peut apporter, si ce n’est, sans doute, une plus grande visibilité pour la possibilité de réguler le phénomène, une base légale certaine et des critères d’implantation désormais objectifs.