Onze mois pour apprendre à tailler la pierre

Véritable passeur de savoir, Frédéric Mutillod mène chaque stagiaire vers la réalisation de son projet.  D
Véritable passeur de savoir, Frédéric Mutillod mène chaque stagiaire vers la réalisation de son projet. D

Véritable passeur de savoir, Frédéric Mutillod mène chaque stagiaire vers la réalisation de son projet. D

L’Atelier de la Pierre d’Angle de Saint-Maximin, créé en janvier 2014, a ouvert ses portes dans le cadre du Printemps de l’industrie. Dans cette ancienne carrière à ciel ouvert où 45 millions d’années les contemplent, ses élèves renouent avec un savoirfaire ancestral.

J’ai restauré pendant 35 ans, de la cathédrale de Bayeux à l’abbaye de Fontenay, mais les beaux plus monuments, ce sont les gens ». On ne saurait mieux résumer la philosophie de Frédéric Mutillod, 52 ans, responsable de l’Atelier de la Pierre d’Angle, un centre de formation pas comme les autres où se façonne la pierre autant que l’âme. Parti à 16 ans pour embrasser sa vocation de tailleur de pierre, réfractaire à l’école mais avide d’apprendre dès lors qu’il comprit que la géométrie serait le corollaire de son art, il a fait sa place au soleil avant de tout quitter pour rejoindre l’Atelier de la Pierre d’Angle. Tout a fait sens lorsque Serge Macudzinski, le maire de Saint-Maximin s’est mis en tête de créer une filiale isarienne de l’association qui existe depuis 1993 à Brignoles (Var). « Je dirigeais une équipe de 50 personnes mais ici, je peux transmettre ce que j’ai appris. »

Des cours pratiques et théoriques Le projet a mis cinq ans pour aboutir mais la pugnacité a payé. SaintMaximin dont les célèbres carrières
ont servi à bâtir et restaurent encore les plus beaux monuments parisiens, a désormais un centre de formation à sa mesure. Il accueille 21 stagiaires, dont onze postulants tailleurs de pierre et dix maçons du bâti ancien. Leur formation, totalement prise en charge et sanctionnée par un diplôme professionnel de niveau V, dure onze mois, 1 561 heures dont 228 en entreprise. La pratique occupe la majeure partie de l’enseignement mais les élèves reçoivent également une indispensable formation théorique. « J’enseigne une heure tous les matins : géologie, histoire de l’art, géométrie, tracés, dessins, stéréotomie ; je les emmène aussi dans des églises pour leur montrer comment faire un relevé. » Pour postuler, il suffit d’être inscrit dans une Mission locale (jeunes de 16 à 25 ans) ou à Pôle emploi mais le véritable sésame est d’avoir un projet qui tient la route.

Un savoir-faire unique Car si la maison est généreuse et l’ambiance potache, la rigueur sert de mesure étalon et chacun apprend vite à tester la solidité de sa vocation. « Je suis là pour les secouer, je me retrouve en eux », lâche leur mentor. Ici, on renoue avec la passion d’un métier et d’un savoirfaire ancestral où il est impossible de tricher. Et pour cela, il n’y a ni âge, ni sexe comme en attestent Bruno, 52 ans, ancien masseur qui rêvait des Beaux-arts ou Julie, 36 ans, sculptrice à ses heures qui projette de « travailler sur des chantiers de restauration ». Les parcours de vie sont multiples, « ça crée un cocktail extraordinaire » mais se croisent dans une même volonté de réussite. Jour après jour, le geste s’affute, leur précieux croquis millimétré en main, les voilà capables de tailler un pilier ou une rosace. Onze mois, c’est peu mais cela suffit parfois à changer une vie.

M.L-G