Pénurie de carburant : pour les artisans, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase

Laurent Rigaud, président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Hauts-de-France, tire la sonnette d’alarme. La pénurie de carburant vient plomber les entreprises artisanales, déjà en grandes difficultés. Rencontre.



  Laurent Rigaud, président de la chambre des métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France. (© Aletheia Press / L.Peron)
Laurent Rigaud, président de la chambre des métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France. (© Aletheia Press / L.Peron)

« Hier, une boulangère installée dans la Somme m’appelle pour me dire qu’elle ne trouve pas de fioul pour faire tourner ses fours. Aujourd’hui, c’est au tour d’un fromager ambulant de se plaindre de la situation, car ses camions sont à sec et qu’il doit sillonner la région pour faire les marchés », introduit Laurent Rigaud.

Des exemples comme ceux-là, le président de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) des Hauts-de-France en des dizaines en tête. Depuis que le carburant manque, il est pendu au téléphone afin de trouver des solutions pour ses adhérents. « Nous, les artisans, nous souhaitons une seule chose : pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Donc soit le blocage s’arrête, soit le gouvernement permet aux professionnels de l’artisanat, qui font des livraisons à domicile, qui font des marchés, etc… d’être prioritaires à la pompe. »

Une pénurie qui s’ajoute à d’autres facteurs

D’autant que les artisans des Hauts-de-France n’en sont pas à leur premier coup dur. Il y a d’abord eu la crise de la Covid-19, puis l’augmentation des salaires, s’en est suivi la hausse des prix des matières premières et des coûts de l’énergie. Et maintenant, c’est la pénurie de carburant. « Nous avons des clients, nous avons du travail, mais nous ne sommes pas rentables, à cause de tous ces facteurs », affirme Laurent Rigaud, avant de donner des exemples concrets. « Les boulangers devraient vendre leur baguette 1,50 euro pour rentrer dans leurs frais. Une situation inimaginable pour ces artisans, car le prix ferait fuir les clients. C’est pareil pour les bouchers… ils ont des fournisseurs qui leur vendent des produits au prix qu’ils affichent dans leurs vitrines », poursuit le président.

Alors Laurent Rigaud l’affirme : « Nous allons d’abord régler la problématique de carburant et ensuite nous nous attaquerons aux prix exorbitants de l’énergie. » Au travers de ce propos, il souhaite qu’un bouclier tarifaire soit mis en place, que des subventions soient données aux artisans impactés et que les fournisseurs d’énergie ne puissent pas couper les valves pour une seule facture impayée ou en retard. « Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, alors il faut arrêter l’hémorragie avant que tous les artisans ne se meurent », alerte-t-il.

+ 119 % d’entreprises défaillantes en Hauts-de-France

Une étude sur les défaillances d’entreprise réalisée par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat France, en partenariat avec le cabinet Altares, vient ajouter une ombre au tableau. Les résultats indiquent, qu’en 2022, les défaillances d’entreprise en France ont augmenté de + 69%. Et dans les Hauts-de-France, le chiffre est encore plus éloquent, avec une augmentation de + 119% de défaillances.

En sachant que les trois-quarts des entreprises concernées comptent trois salariés, soient une majorité d’artisans. « Mon rôle est d’alerter, de donner des pistes d’amélioration pour que les 110 000 artisans des Hauts-de-France survivent. Prochainement, je vais tenter de rencontrer le ministre Bruno Lemaire pour lui dire la réalité du terrain avec mes tripes », conclut Laurent Rigaud.