Quand l’ancienne maison d’arrêt de Compiègne devient lieu d’exposition

La prison de Compiègne, désaffectée depuis 2016, accueille trois artistes le temps de l’exposition « Envol ». Une dernière occasion de visiter le lieu avant sa réhabilitation et de "réfléchir sur sa propre prison intérieure".

L’exposition se déroule jusqu’au 24 septembre, entrée libre, lundi au vendredi de 14 h à 19h, samedi et dimanche de 12h à 19h. (©Alban Eyssette-Brizault)
L’exposition se déroule jusqu’au 24 septembre, entrée libre, lundi au vendredi de 14 h à 19h, samedi et dimanche de 12h à 19h. (©Alban Eyssette-Brizault)

Désaffectée depuis 2016, l’ancienne prison de Compiègne dresse toujours sa masse imposante et triste sur l’avenue de la Résistance. Désormais vide, le lieu, en attendant d’être réhabilité en logements, a entamé une nouvelle vie. Utilisé pour plusieurs tournages de film, il accueille actuellement une exposition, intitulée « Envol », jusqu’au 24 septembre. Un rendez-vous artistique à trois voix qui permet de visiter un bâtiment habituellement inaccessible et d’y jeter un autre regard.

« Pendant le confinement, je faisais beaucoup de promenade à vélo, se souvient Ostiane de Saint Julien, artiste peintre à l’origine de cet événement. À chaque fois que je passais près de la porte principale de la prison, je me disais que j’exposerai bien dans ce lieu. » Les hasards de la vie la mettent en contact avec les propriétaires, Antoine et Marie-Anne Liogier. L’idée leur plait et le projet prend corps. « J’ai naturellement pensé à Alban Eyssette-Brizault qui a notamment fait un travail photographique autour des portes de prison, et à Pauline Ohrel, et à ses grandes sculptures d’oiseaux en grillage », poursuit Ostiane de Saint Julien.

Peintures, sculptures, photographie et pensées d'écrivains

Au travers de cette exposition qui réunit peintures, sculptures, photographie et pensées d'écrivains éclairés, « le visiteur est appelé à réfléchir sur sa propre prison intérieure », résume Philippine Lamy, commissaire d’exposition. Elle poursuit : « Le parcours du visiteur se calque sur celui d’un prisonnier au sein de l’établissement, s’étend sur deux niveaux, alternant passage dans des cellules et dans des espaces communs ».

Peintures, sculptures, photographies et citations d’écrivains dialoguent entre elles. (© Ostiane de Saint Julien)

Si le lieu est chargé d’un lourd passé, les trois artistes veulent l’éclairer par des œuvres porteuses d’espoir. « J’ai travaillé autour des oiseaux, bien sûr, lors de leur envol ou lorsque nous les observons dans le ciel et qui nous font rêver », explique Alban Eyssette-Brizault. Mais le photographe a aussi investi le thème de la prière et de l’enfance, « C’est le moment qui précède l’envol de l’adulte, remarque l’artiste. Représenter des enfants dans ce lieu est également un message d’espoir. »

Le thème des oiseaux, on le retrouve aussi chez Ostiane de Saint Julien. « J’ai également exploré le thème du reflet dans l'eau », complète la peintre qui travaille avec de nombreux supports : huiles, acryliques, collages, dessins et tissages. Pauline Ohrel, pour sa part, s’est intéressée à capturer les équilibres instables et les instants provisoires au travers de sculptures en bronze, béton, fil de fer, terre et plâtre.

Entre curiosité et pèlerinage

Le pari, audacieux, a trouvé son public. « Nous accueillons en moyenne 200 personnes par jour. Et pour les journées du patrimoine, nous avons eu 800 visiteurs par après-midi », se réjouit Ostiane de Saint Julien. Certains, poussés par la curiosité, « viennent d’abord pour visiter la prison, ce qui les amènent suite à s’intéresser à l’exposition », remarque Alban Eyssette-Brizault.

Mais nombre de visiteurs viennent renouer avec une période de leur vie. « Chaque jour, des personnes qui ont été incarcérées viennent, parfois accompagnées de leur famille, souligne Ostiane de Saint Julien. Nous avons également des personnes qui ont travaillé ici : gardiens, médecins, enseignants… ils témoignent de la communauté qui a vécu ici et font naître une expérience humaine forte ».

Il reste encore quelques jours pour visiter « Envol » et l’ancienne maison d’arrêt de Compiègne. Dans un an, le bâtiment de 2 500m² acheté aux enchères 1,5 million d’euros, devrait être réhabilité en quatre établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Si Antoine Liogier prévoit de conserver la façade de la maison d’arrêt, l’intérieur du bâtiment sera entièrement repensé... et ainsi définitivement tourner le dos à son passé.


Au cœur de Compiègne

En 2021, lors de l’achat de l’ancienne prison, Antoine et Marie-Anne Logier estimaient les travaux de réhabilitation à 5 millions d’euros. L’architecte Jean-Marc Jehan entendait conserver les façades extérieures. Le bâtiment, datant du XIXe siècle, est installé sur une parcelle de 4250m², au centre de Compiègne, une localisation idéale pour des résidences haut de gamme.