Quelle reprise économique en Chine ?

Après avoir placé le pays sous cloche pendant près de trois ans, les autorités chinoises ont décidé de lever l’essentiel des mesures sanitaires, espérant ainsi renouer avec une croissance forte. Mais rien n’est moins sûr…

(c) Adobe Stock
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À la fin de l’année 2022, les autorités chinoises ont décidé de mettre fin à la politique sanitaire dite « zéro Covid-19 », qui avait paralysé le pays pendant plus de deux ans. Celle-ci se déclinait en un triptyque redoutable. Tout d’abord, des tests PCR étaient demandés parfois plusieurs fois par semaine pour accéder aux lieux publics et voyager d’une province à une autre. La population était ensuite tracée au moyen de QR codes, ce qui n’était au fond que le nouvel avatar d’une surveillance de masse officiellement actée depuis une décennie avec le « Plan de planification pour la construction d’un système de crédit social 2014-2020 ». Enfin, mesure la plus emblématique : le confinement de quartiers, voire de villes entières, en cas de détection de cas de Covid-19 !

À l’évidence, une telle politique sanitaire à l’échelle d’un pays de 1,4 milliard d’habitants ne pouvait qu’exacerber les tensions politiques et sociales, au point que d’impressionnantes scènes de révolte ont été rapportées, consécutivement à une énième période de confinement strict. Et en plus d’avoir fait tanguer le régime, cette politique fut un gouffre financier pour les autorités locales à qui l’État avait délégué la besogne.

L’économie chinoise en berne

La Chine a pris le parti de mettre le pays sous cloche. Des salariés ne pouvaient plus se rendre à leur travail, des entreprises étaient fermées inopinément pour raison sanitaire, sur ordre des autorités, des composants n’étaient plus produits et exportés… Toute la chaîne de production chinoise en a été bouleversée, créant des ruptures d’approvisionnement, notamment au sein de l’Union européenne, une forte incertitude chez tous les partenaires commerciaux de la Chine et des révisions à la baisse des investissements internationaux vers l’Empire du Milieu. Et que dire du tourisme dans ces conditions ?

Tout cela ne pouvait que se traduire économiquement par une chute du taux de croissance, passé de 8 % en 2021 à environ 3 % en 2022, et une augmentation du chômage, en particulier chez les jeunes. Mais, contrairement à la plupart des autres régions du monde, l’inflation demeure très faible.

Tous les yeux sont depuis tournés vers Xi Jinping, qui, promettait-il, il y a encore peu, une décennie florissante à son peuple à la faveur du développement des Routes de la soie, d’une réduction de la dépendance énergétique et, plus généralement, de la mise en œuvre d’une politique industrielle volontariste. Hélas, entre les ambitions encore loin d’être atteintes dans des secteurs clés comme l’aéronautique ou l’intelligence artificielle, et les tentatives malencontreuses de reprise en main par l’État des entreprises de la Tech, l’économie semblait sous tension bien avant la pandémie de Covid-19.

Une reprise conjoncturelle, des problèmes structurels

Est-il alors possible d’espérer une reprise économique qui, par l’intermédiaire des importations, profiterait également aux autres pays du monde ? À court terme, c’est fort probable, même si l’ampleur de la reprise devrait rester limitée et ses conséquences sur les prix mondiaux incertaines. Au vu des importations chinoises actuelles et du poids des exportations vers la Chine dans les exportations totales, l’UE ne ferait, hélas, pas partie des grands bénéficiaires de la reprise économique chinoise. Les pays d’Amérique du Sud, d’Afrique, de l’OPEP, mais également la Russie et le Royaume-Uni devraient certainement en profiter le plus.

Mais à long terme, le vieillissement démographique risque de peser à la fois sur les capacités de production du pays et sur la productivité du travail. À cela s’ajoutent un trop fort attrait de l’immobilier, secteur peu productif et en crise latente, mais qui attire à lui beaucoup de capitaux, alléchés par l’odeur de placements rémunérateurs et perçus — souvent à tort — comme sûrs. Et la mise au pas des grandes entreprises par l’État n’est pas de nature à améliorer le progrès technique, d’autant que l’investissement des entreprises en machines et en équipements semble s’affaiblir. L’un dans l’autre, la croissance potentielle sera faible dans les années à venir, probablement aux alentours de 2 %, bien loin des 6 à 8 % qui permettaient au gouvernement central d’acheter pour un temps (encore) le calme social.

Un mouvement de démondialisation de la Chine n’est pas non plus à exclure. En effet, le conflit commercial avec les États-Unis ne s’est pas apaisé après le départ de Trump, et il menace désormais de s’étendre à d’autres pays occidentaux, sous la forme de sanctions sur les entreprises de la Tech chinoise, de limitations des exportations technologiques vers la Chine, de restrictions aux investissements des entreprises chinoises, etc. Cette situation servira, peut-être, de catalyseur à un rééquilibrage de la croissance chinoise vers sa demande intérieure. Mais pour l’instant, la hausse de l’endettement total, le fort taux d’épargne de précaution des ménages et une protection sociale encore rudimentaire, ne laissent rien présager de bon de ce côté…