Réforme territoriale, le "oui" nuancé du Medef de la Somme

La réforme territoriale ? Le Medef de la Somme est pour, à condition qu’elle soit porteuse d’emplois et de développement économique… Mais le rapprochement avec le Nord – Pas-de-Calais ne remporte pas tous les suffrages auprès des adhérents, que l’instance patronale a consultés via une enquête interne.

La réforme territoriale ? Le Medef de la Somme la voit d’un bon oeill, mais Jean- Claude Oleksy estime qu’« on a pensé découpage avant de parler compétences et financements ».
La réforme territoriale ? Le Medef de la Somme la voit d’un bon oeill, mais Jean- Claude Oleksy estime qu’« on a pensé découpage avant de parler compétences et financements ».
La réforme territoriale ? Le Medef de la Somme la voit d’un bon oeill, mais Jean- Claude Oleksy estime qu’« on a pensé découpage avant de parler compétences et financements ».

La réforme territoriale ? Le Medef de la Somme la voit d’un bon oeill, mais Jean- Claude Oleksy estime qu’« on a pensé découpage avant de parler compétences et financements ».

Si les chefs d’entreprise veulent voir dans cette réforme une véritable opportunité de développement économique, ils émettent également quelques réserves. Sur le découpage envisagé notamment : 3/5 des adhérents interrogés envisagent une fusion avec d’autres régions limitrophes, ou une recomposition régionale, plus précisément, ils sont 38 % à plébisciter une fusion avec le Nord – Pas-de-Calais, 19 % avec la Champagne-Ardenne et 16 % avec la Normandie. « L’intérêt de cette enquête, ce sont moins les chiffres que les tendances qui se dégagent, nuance Hervé Rougier, à la tête d’une entreprise de conseils amiénoise qui a participé à l’épluchage des résultats. Il en ressort que les dirigeants samariens nourrissent de grandes ambitions pour la Picardie et souhaitent que cette lutte territoriale la serve et la tire vers le haut, en particulier en ce qui concerne l’emploi. » L’impact est également jugé positif pour certains secteurs, comme les transports, les relations internationales et l’industrie.
Comme le Medef, qui veut voir en cette réforme une formidable opportunité de développement, si elle est menée dans le bons sens, les adhérents envisagent le côté positif de ce rapprochement, pêlemêle : une plus forte attractivité de la région, une vision politique plus large, un espoir d’économies et de baisse des impôts, l’élargissement des pouvoirs induisant celui des compétences… Autre source de satisfecit : la simplification du mille-feuille administratif, c’est plutôt du côté de la taille des dites feuilles que l’engouement est moins prégnant, pour les chefs d’entreprise, il semble difficile de dessiner de grandes régions, tant que de réelle compétences ne seront pas définis. C’est là la grande inconnue de cette réforme, et la plus grande source d’inquiétudes, les chefs d’entreprises estimant qu’un dysfonctionnement des administrations engendrerait à court et moyen terme, des effets économiques néfastes.

Anticiper la régionalisation

La dynamique économique et l’emploi sont, et doivent, demeurer les véri- tables enjeux de cette réforme, c’est en substance le message délivré par le président du Medef de la Somme Jean- Claude Oleksy lors de la réunion plénière qui s’est déroulée le 14 novembre à Amiens. Des enjeux de taille, avec la crainte côté Picardie d’être “cannibalisée” par la métropole lilloise, de voir s’éloigner les centres de décision et les sièges…
Un scénario pessimiste auquel préfère ne pas céder le Medef de la Somme : « Cette réforme, si elle est faite dans le bon sens et de façon constructive, permettra de diminuer la dépense publique, et de rendre les entreprises plus compétitives, en s’adaptant aux réalités économiques et en reflétant l’excellence des territoires. Nous devons réfléchir aux synergies économiques entre nos deux régions », soutient Jean-Claude Oleksy. À condition de bien préparer le terrain, notamment consulaire : « Il n’y aurait plus qu’une seule chambre d’industrie et de commerce régionale, il faut anticiper la régionalisation pour ne pas se faire avaler, d’autres interrogations demeurent, comme l’avenir du rectorat, la régionalisation aura également des conséquences sur la santé, les institutions en place, de lourdes conséquences à prendre en compte… », poursuit-il.
Et c’est là où le bât blesse, pour le Medef, la réforme n’a pas été envisagée sous l’angle économique, « on a pensé découpage avant de parler compétences et financements », note Jean-Claude Oleksy. D’accord sur le principe, le patron du Medef de la Somme soulève nombre d’inconnues qui subsistent : « La question de la façade maritime, pourtant d’un intérêt économique indubitable, n’a par exemple jamais été abordée, de même que celle des transports… Que les départements puissent sortir de la région est également inquiétant, et quid des grands projets comme celui du barreau Picardie-Roissy ? ». Mais il veut rester « positif » et estime qu’il faut « travailler pour améliorer la situation dans le domaine économique, politique, sénateurs et députés ont un rôle important à jouer, nous devons faire valoir nos atouts, et la Picardie en possède de nombreux : des entreprises performantes, des PME réactives, des secteurs à la pointe comme l’aéronautique, l’automobile, l’agriculture ou le flaconnage, sans oublier les pôles de compétitivité », égrène Jean-Claude Oleksy.

Ce que les chefs d’entreprise pensent de la réforme…

Pour Stefan de Butler, à la tête du groupe de santé privé Victor-Pauchet à Amiens, la réforme territoriale est un «  outil formidable, mais mal manipulé », et qui doit servir une vraie volonté politique, allant dans le sens du développement économique, pour lutter contre le chômage. Il regrette le manque d’analyse d’opportunités, au profit d’une analyse de « mille-feuilles administratif : si l’on réfléchit en termes d’économie de postes, cela va à l’encontre de la création d’emplois…, estime-t-il, les régions sont de solides outils pour asseoir le développement des pôles d’excellence, des filières, la réforme se profile depuis quelques années, et les politiques ont adopté une position d’attentisme », regrette Stefan de Butler préférant regarder du côté de ceux qui façonnent la région de demain, plutôt que d’écouter les réactions pessimistes. « C’est un projet à 30 ou 40 ans, qui bénéficiera aux futures générations, assure-t-il. Notre région est branchée sur Paris, Londres et Bruxelles, ce sont des atouts indéniables, il faut mesurer les risques et opportunités économiques et sociaux et jouer la carte de la solidarité, pour contrer les difficultés.  » Des difficultés qui pourront être surmontées par de vrais projets, et selon Stefan de Butler, la solution passera par la coopération entre les politiques et les CCI, « les chambres de commerce sont le relais opérationnel du développement économique, en lien avec les entreprises  ». Ses craintes ? Les mises sous tutelle, notamment celle l’Agence régionale de santé (ARS) de Picardie : « Nous entretenons des rapports étroits avec les services de l’État, soulève-t-il. Si les instances décisionnelles partent à Lille, ce paramètre primordial de proximité disparaîtrait, et l’on risquerait d’aboutir à une gestion déconnectée de la réalité. »
Corinne Roger-Dufayet dirige l’Intermarché de Bouttencourt, une commune limitrophe de la Normandie, mais elle se sent culturellement plus proche du Nord – Pas-de-Calais, pour cette Picarde d’adoption, l’inquiétude vient plutôt de la perspective que la Picardie soit «  phagocytée dans une grosse région, avec moins de poids  et de pouvoirs ». «  Évidemment, si l’objectif de cette réforme est vraiment d’engendrer des économies, je ne peux que la saluer, précise-t-elle, espérant que ce ne soit pas au détriment de la proximité avec les administrations : s’il faut parcourir une centaine de kilomètres pour un acte administratif, cela relèverait du non-sens… » Des attentes, cette chef d’entreprise en a, comme le développement des infrastructures et des transports, mais elle se dit en revanche plus sceptique en ce qui concerne l’emploi et la santé : « Il s’agit d’une réforme visant à mon sens un rapprochement administratif, chacun gardera sa culture et son identité, il faut faire preuve d’ouverture d’esprit, sourit-elle. On oublie l’essentiel  : la compétitivité, l’emploi, la baisse des impôts ou des taxes, et le pouvoir d’achat. »