Relance : les opérateurs de transports entre inquiétude et soulagement

Après la baisse historique de fréquentation et les pertes abyssales de chiffres d’affaires, les opérateurs de transports publics, ainsi que les élus, attendent beaucoup du plan de «verdissement de l’économie». Mais ils vont devoir adapter leur offre.

Le tram de Nice.(c)O.Razemon
Le tram de Nice.(c)O.Razemon

« Siège interdit ». Une croix rouge barre le pictogramme représentant un homme assis. Dans le tramway de Nice, on ne plaisante pas avec les « consignes Covid-19 », comme on peut le lire sur le dossier de ce siège. Dans tous les tramways, les stations, les bus, les métros des villes françaises, de tels autocollants avaient été apposés à la fin du confinement, pour assurer le respect de la distanciation physique dans les transports publics. Les observateurs avaient à l’époque salué la célérité des opérateurs. Mais ces mesures drastiques semblent s’être retournées contre les transporteurs.

Quatre mois après le déconfinement, alors que la vie a repris son cours tant bien que mal malgré les mesures sanitaires, la fréquentation des transports en commun demeure très inférieure à la normale, ont reconnu les acteurs du secteur lors d’une conférence de presse, le 9 septembre. « 80% en moyenne, mais seulement 60% en Île-de-France », le réseau le plus fréquenté, précise Anne Gérard, vice-présidente (PS) de la région Nouvelle-Aquitaine, qui dirige la structure chapeautant les organisations des élus et des opérateurs. À Nice, où les stickers sont toujours collés aux sièges, le volume de passagers atteint 75% par rapport à une semaine habituelle de septembre. Le secteur n’attend pas un retour à la normale « avant 2024 », et encore, « ce ne sera pas un retour à la même normale », souligne Thierry Mallet, qui préside l’opérateur Transdev et l’Union des transporteurs publics (UTP). 

Le secteur est exsangue, et rares sont ses représentants qui osent le dire aussi franchement que Louis Nègre, maire (LR) de Cagnes-sur-Mer, dans la métropole de Nice, et président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) : « On a pris une gifle épouvantable. Les recettes commerciales se sont effondrées, ainsi que le versement transport », cet impôt assis sur la masse salariale, fléché vers les infrastructures et le fonctionnement des mobilités.

Vertus écologiques des transports

L’élu se dit toutefois «bien plus optimiste qu’en juin», lorsque l’automobile et l’aérien étaient déjà promis à de grosses subventions, et que le ferroviaire semblait oublié. Le Gart se félicite d’avoir entretenu des contacts étroits et réguliers avec les différents ministères. Le gouvernement consacre environ un tiers de son plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé début septembre au «verdissement de l’économie», dont 11 milliards à la mobilité. Le ferroviaire reçoit 4,7 milliards d’euros, qui doivent régénérer les lignes secondaires malmenées par des décennies de sous-investissement, relancer le fret, une promesse que font tous les gouvernements successifs, et stimuler le train de nuit, pratiquement abandonné ces dernières années.

Un autre paquet de 1,9 milliard d’euros doit contribuer à la conversion du parc automobile vers les « véhicules propres », propulsés à l’électricité ou à l’hydrogène, tandis que 1,2 milliard sont attribués aux « mobilités du quotidien », les bus, tramways et métros, ainsi que le vélo. Le lundi 14 septembre, Barbara Pompili et Jean-Baptiste Djebbari, ministres de la Transition écologique et des Transports, ont annoncé un budget de 200 millions pour la pérennisation des pistes cyclables temporaires tracées à la hâte au printemps et la facilitation des déplacements combinant train et vélo.

Si les associations environnementalistes et les élus écologistes considèrent que ces sommes ne suffisent pas et s’inquiètent des subventions allouées par ailleurs aux entreprises polluantes, les acteurs des transports publics ne font pas la fine bouche. Le Gart et l’UTP insistent, puisque c’est le prisme choisi par le gouvernement, sur les vertus environnementales du secteur. « Une voiture émet cinq fois plus de CO2 qu’un bus », rappelle Anne Gérard. Avec le plan de relance, « on se redonne un outil de transition écologique », corrobore Louis Nègre, qui souligne que « d’ici à 2025-26, tout le réseau de bus de Nice sera électrique ».

Président de l’Agence de la transition écologique (Ademe), Arnaud Leroy, un ancien député socialiste qui fut l’un des premiers soutiens d’Emmanuel Macron dès 2016, insiste sur la passion nouvelle du chef de l’État, le « plan hydrogène » de 7 milliards d’euros, dont une partie doit servir à propulser les bus et les camions voire les bateaux. « C’est un choix stratégique qui permettra aussi le TGV du futur », affirme-t-il.

Desservir la périphérie

Le soulagement des acteurs de la mobilité s’explique aussi par un accord, conclu le 8 septembre, entre l’État et Ile-de-France Mobilités, l’autorité qui administre les transports en région parisienne. L’État s’est engagé à prendre à sa charge, à terme, le manque à gagner des transports franciliens depuis le mois de mars, soit 2,6 milliards d’euros. « Nous espérons que cet accord fera jurisprudence pour les autres réseaux », se réjouit le Gart.

Toutefois, l’épidémie et les mesures sanitaires pourraient bousculer l’équilibre du secteur. « Le covoiturage et l’autopartage pourraient être des victimes collatérales du Covid-19 », estime Arnaud Leroy. L’appétence des citadins pour le vélo, qui se confirme semaine après semaine, amène les collectivités à aménager l’espace public en conséquence. Cette vague cycliste a aussi des effets sur les transports publics. « Dans les centres-villes, les déplacements se font moins en transports en commun. Ce peut être l’occasion de redéployer les moyens en périphérie de l’agglomération », estime Thierry Mallet. Un tramway qui circule à moitié vide serait plus utile pour desservir les communes de banlieue.