Secourir les dirigeants en détresse avec Apesa Vallée de l'Oise

Déployé par les tribunaux de commerce de toute la France, Apesa est un dispositif d'aides psychologiques pour les chefs d'entreprise en grande détresse morale. Lancé en 2019 dans le département de l'Oise, à Beauvais, ce dernier a évolué. Depuis le 18 octobre 2022, le Tribunal de commerce de Compiègne a lancé Apesa Vallée de l'Oise pour agir plus vite et être plus proche des dirigeants du secteur.

Chantal Lenoir, présidente du Tribunal de commerce de Compiègne entourée du bureau d'Apesa Vallée de l'Oise (g. à dr) : Stéphane Berthélémy, trésorier, Patrick Beaulieu, sécrétaire et Yves Lenormant, président. (c)DR
Chantal Lenoir, présidente du Tribunal de commerce de Compiègne entourée du bureau d'Apesa Vallée de l'Oise (g. à dr) : Stéphane Berthélémy, trésorier, Patrick Beaulieu, sécrétaire et Yves Lenormant, président. (c)DR

L'ouverture d'une procédure collective au tribunal de commerce, pour un chef d'entreprise, est tout autant une épreuve professionnelle que personnelle. La liquidation judiciaire, qui suit très souvent, est le dernier coup porté à une vie entièrement dédiée à son entreprise. Cet échec souvent empreint de culpabilité, de solitude, de stress, de désespoir va même jusqu'au suicide. D’autant plus que cette souffrance morale fait encore l’objet de tabous.

Aux avant-postes face à ces situations de détresse psychologique plus ou moins exprimées, les juges consulaires, les greffiers, les administrateurs, les mandataires judiciaires, les avocats et les experts-comptables se sentent démunis... car le droit applique la loi. Pour aider les dirigeants à surmonter ces épreuves, le dispositif Apesa (Aide psychologique des entrepreneurs en souffrance aigüe) vise justement à aider les chefs d'entreprise à surmonter cette épreuve vécue comme un échec, en leur permettant d'être suivis par un psychologue, gratuitement, pendant cinq séances (grâce à des financements apportés par les partenaires privés ou publics associés au dispositif).

Ce dispositif à vocation humaine a été mis en place en 2019 au Tribunal de commerce de Beauvais, qui gérait alors tout le département. Depuis le 18 octobre 2022, le Tribunal de commerce de Compiègne a pris son indépendance, en créant Apesa Vallée de l'Oise, impulsé par la présidente, Chantal Lenoir, très impliquée dans la dimension humaine au sein de son tribunal. « Nous avons créé Apesa Vallée de l'Oise pour agir plus vite sur notre secteur, et être plus proches des chefs d'entreprise, explique Yves Lenormant, président d'Apesa Vallée de l'Oise et par ailleurs vice-président du Tribunal de commerce de Compiègne. Ce dispositif, c'est une justice humaine. Nous qui sommes confrontés à des situations terribles, à des gens qui perdent tout, par moment juste pour un accident de travail trop long... Apesa permet d'aider à rebondir. Et nous sommes tous d'anciens dirigeants, nous connaissons cette solitude vécue et le désespoir de certaine situation. »

Des sentinelles bénévoles

Ce désespoir touche jusqu'à la vie du dirigeant car, pour la majeure partie d'entre eux, ils dirigent de petites et moyennes entreprises. « Il faut distinguer le patronat réel et le patronat de gestion. Pour ce dernier, les dirigeants n'investissent rien, sont dans de grandes entreprises et partent avec des parachutes dorés, témoigne à cœur ouvert Martine Miquel, maire adjointe à la mairie de Compiègne et vice-présidente à la Région, elle-même chef d'entreprise et qui soutient totalement Apesa. La très grande partie sont dans le patronat réel. Ils investissent tout, jusqu'à hypothéquer leur maison. Quand l'entreprise ferme, ils perdent absolument tout et embarquent leurs salariés et leur famille avec eux. C'est ça la réalité. Avec Apesa, il y a de l'humanité dans la justice. » Une pression qui explose au moment de l'ouverture d'une procédure collective, la première audience douloureuse.

Alors pour éviter cette explosion psychologique, le dispositif Apesa met en place des « sentinelles », tous bénévoles. Et c'est là sa force. Juges, avocats, mandataires, experts-comptables, greffiers, mandataires judiciaire et conseillers des chambres consulaires peuvent suivre une formation de détection de la souffrance psychologique. Ils deviennent alors une sentinelle et déclenchent une alerte, en accord avec le dirigeant concerné, quand la détresse est détectée. Une fois l'alerte déclenchée – qui peut être également faite par un proche du dirigeant ou par la dirigeant lui-même - cinq séances gratuites avec un psychologue, un addictologue ou un thérapeute familial seront alors proposées au chef d’entreprise ou ses proches. « Nous sommes tous concernés, afin que le chef d'entreprise ne soit plus seul face à ses idées destructrices, nous intervenons immédiatement pour assurer une prise en charge rapide. Nous voulons leur dire : Vous n'êtes plus seul. Le Tribunal de commerce de Compiègne affirme sa volonté de placer l'humain au cœur des débats », exprime Chantal Lenoir.

Le dispositif - « indispensable » pour Stépahne Berthlémy, juge consulaire et trésorier d'Apesa Vallée de l'Oise - prévoit la transmission immédiate de l’alerte à une personne compétente chargée de réaliser un entretien d’évaluation psychologique par téléphone et d’assurer éventuellement le déclenchement du dispositif de soin dans les 24 heures. Pour Apesa Vallée de l'Oise, plusieurs dizaines de sentinelles sont en place et un travail fort avec les chambres consulaires est en cours.

Un dispositif collectif

Apesa est avant tout un dispositif préventif de la détresse. « Nous devons nous montrer bienveillant lors des audiences et non punitifs mais tout cela n'est pas suffisant, la situation financière de l'entreprise ne change pas et Apesa permet de gérer la solitude qui suit », témoigne Patrick Beaulieu, juge, vice-président et secrétaire d'Apesa Vallée de l'Oise et lui aussi ancien chef d'entreprise.

Pour que ce dispositif donne la possibilité aux dirigeants en détresse d'être suivis gratuitement pendant les cinq premières séances, des subventions sont alors nécessaires. Le bureau d'Apesa Vallée de l'Oise fait un appel aux dons : toute personne morale peut soutenir ce dispositif et les entreprises ont la possibilité de devenir membre.

Enfin, un numéro vert national est accessible : 0805 65 50 50.