Tribunal de commerce de Beauvais : des perspectives préoccupantes pour les entreprises

Lors de son audience solennelle, le 23 janvier, le tribunal de commerce de Beauvais a dressé un bilan démontrant une dégradation du tissu économique en 2023. La hausse des ouvertures de procédures collectives ainsi que celles des injonctions à payer, une grande majorité des liquidations étant classiques ou simples... l'année 2023 marque une dégradation croissante mais cependant non exponentielle des entreprises. Mais les années à venir restent incertaines et la prévention plus que jamais nécessaire.


Claude Michaux, au centre, est dubitatif quant à la situation économique des entreprises pour les prochaines années.
Claude Michaux, au centre, est dubitatif quant à la situation économique des entreprises pour les prochaines années.

C’est la fin de la parenthèse Covid pour l’économie française et locale. Claude Michaux, président du tribunal de commerce de Beauvais, a dressé un bilan économique 2023 mitigé, reflétant une année en demi-teinte. Le tsunami économique attendu en 2022 n'a pas eu lieu, avec pourtant les remboursements des PGE. Une hausse de 50% des ouvertures de procédures collectives avait été enregistrée, et le tribunal avait remarqué des difficultés croissantes pour les PME, entre 30 et 40 salariés. En 2023, cette tendance continue, le président notant « un accroissement des ouvertures de procédures collectives mais qui n'est pas exponentiel », laissant le président « dubitatif » pour les années 2024 et 2025. « Mais le tribunal saura s'adapter et nous serons prêts », précise-t-il.

Entre 2022 et 2023, une hausse de 31% des ouvertures de procédures collectives a été enregistrée, portant le nombre de ces procédures à 188, contre 143 en 2022 et 95 en 2021. Quant aux injonctions à payer, elles augmentent de 47% (806 contre 547 en 2022). « Les perspectives sont préoccupantes, il faut rester vigilants », a noté le Procureur. Une situation préoccupante également par l'augmentation des liquidations judiciaires - 166 en 2023, contre 141 en 2022 – mais aussi par le profil des liquidations judiciaires : 69% des liquidations judiciaires sont simples ou classiques. Du côté des radiations, elles sont toujours en hausse : 881 en 2023 contre 764 en 2022 et 706 en 2021. Du côté des plans de redressement, ils sont en légère hausse, 46 en 2023 contre 31 en 2022, mais seuls 8% de ces plans vont à terme.

Cependant, le nombre des immatriculations repart à la hausse. Si elles étaient au nombre de 2 634 en 2021, puis 2 5456 en 2022, le tribunal de commerce de Beauvais enregistre 2 981 immatriculation en 2023.

L'alternatif, fer de lance

Durant l'audience solennelle, le président du TC de Beauvais a rappelé la nécessité de la prévention. « Quand un chef d'entreprise passe la porte du tribunal, c'est aussi la recherche de solution », insiste-t-il. En 2023, 326 entretiens de prévention ont été effectués, c'est plus qu'en 2022 (269), et de nombreuses "journées de préventions" ont été organisées, qui continuent, chaque mois, en 2024. L'objectif ? Inciter les chefs d'entreprise à solutionner un problème avant qu'il ne soit trop tard. Dans ce sens, Claude Michaux incite les dirigeants à se présenter au tribunal. « Que des entreprises sollicitent un entretien, c'est la meilleure solution », note-t-il, rappelant le travail du tribunal qui noue des partenariats avec les instances économiques locales. Un travail qui porte ses fruits : « en 2023, 50 entreprises ont sollicité un entretien de prévention », félicite-t-il.

De cette volonté de prévention découle le souhait du tribunal à développer les modes amiables de règlement des différends (MARD), une façon alternative de rendre la justice. « La centralisation, la numérisation... cette modernisation supprime peu à peu le contact humain, mais ce tribunal veut garder ce contact, car l'humain reste pour nous l'essentiel », signale Claude Michaux. En 2023, une véritable politique de l'amiable a été annoncée par le ministre, qui a souhaité introduire deux nouveaux dispositifs : l’audience de règlement amiable (ARA) permettrait au juge d’aider les parties, avec leurs avocats, à trouver un accord et la césure inciterait les parties, après que le juge ait tranché le fond du litige à trouver un accord sur le volet indemnitaire. « Pourquoi ne pas l'étendre aux tribunaux de commerce ? », réagit le président du TC Beauvais, en faveur de ces procédures à l'amiable.

Candidat au TAE

Candidat pour une expérimentation de quatre ans, le tribunal de Beauvais se positionne en faveur de la création de tribunaux des activités économiques, inscrite dans le prolongement des états généraux. Ces derniers élargissent les compétences du tribunal de commerce, obtenant un plus large champ d'application. Les agriculteurs, les associations, les professions libérales (hors professions juridiques et réglementées) dépendraient intégralement du périmètre de ce TAE, là où ils dépendent aujourd'hui de tribunaux judiciaires.