UN BAROMÈTRE NATIONAL POUR MESURER L’APTITUDE DES VILLES AU VÉLO

UN BAROMÈTRE NATIONAL POUR MESURER L’APTITUDE DES VILLES AU VÉLO

Bon pour la santé, pas coûteux, non polluant, le vélo s’impose comme moyen de transport du quotidien. Le Baromètre des villes cyclables récompense les municipalités qui encouragent le plus la bicyclette, et désigne des marges d’amélioration aux villes les moins vertueuses.

Laissez-les tomber. Cette courte vidéo, diffusée par la Fédération française de cardiologie, montre trois enfants s’apprêtant à s’élancer, sur leur vélo, vers un petit tremplin instable. L’un d’entre eux tombe et se fait mal au bras. D’autres enfants jouent au ballon, grimpent un mur d’escalade, tentent des acrobaties en skate-board. Bilan : des écorchures, des bleus, des égratignures. L’image suivante montre un enfant sur un canapé, et dont les seuls mouvements consistent à activer la manette de son jeu vidéo. Une phrase s’inscrit au bas de l’écran : « En restant assis, votre enfant prend plus de risques. » Puis : « 60 minutes d’activité par jour diminuent le risque cardio-vasculaire. » Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (Fub), qui rassemble 290 associations locales, évoque volontiers cette « épidémie de sédentarité » qui, à terme, pourrait tuer davantage que le tabac. Auprès des maires, dans les cabinets des ministères, avec les chefs d’entreprise, l’argument est efficace. L’une des manières les plus simples pour limiter la sédentarité des enfants est de les laisser se rendre à l’école, à pied ou à vélo. C’est aussi pour se sentir en forme que de nombreux adultes se remettent au vélo, sur le chemin du travail ou pour les déplacements en ville. Mais la voirie n’est pas toujours pensée pour les déplacements à bicyclette. Sur les boulevards, les voitures roulent vite, les carrefours ne sont pas aisés à traverser et les pistes cyclables s’arrêtent net, sans aucune signalisation explicative. Cette médiocrité n’empêche pas de nombreuses municipalités d’annoncer, à grands renforts de communication, des kilomètres de pistes cyclables, leur engagement pour la mobilité durable ou leur système de vélos en libre service. La conversion d’une partie des habitants au vélo, outre les effets bénéfiques en matière de santé publique, permet de limiter la congestion, de réorganiser l’espace public, et, à terme, de limiter la pollution atmosphérique et le dérèglement climatique. Mais ces aménagements conviennent-ils pour autant aux cyclistes ? Et surtout, suffisent-ils à convaincre ceux qui aimeraient se mettre en selle ?

113 000 RÉPONSES À UNE ENQUÊTE INÉDITE

Pour le savoir, la Fub a fait directement appel aux usagers. À l’automne, alors que le gouvernement lançait ses Assises de la mobilité, sous la forme de multiples consultations, la fédération pro-vélo mettait en ligne une enquête d’une trentaine de questions. Les répondants étaient invités à indiquer si, dans leur ville, la pratique du vélo est facile, les aménagements agréables, les arceaux de stationnement ou les réparateurs de vélos assez nombreux. L’enquête a enregistré 113 000 réponses, plus du triple de ce qu’espéraient les militants pro-vélo. Ce Baromètre des villes cyclables, dévoilé le 16 mars dernier, consacre Strasbourg comme capitale française du vélo. La métropole alsacienne, où 2 500 réponses ont été comptabilisées, obtient une note de 4,1 sur 6, devançant Nantes (3,71 – 2 800 réponses) et Bordeaux (3,46 – 1 800 réponses) dans la catégorie des villes de plus de 200 000 habitants. Grenoble, La Rochelle, Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin) ou Sceaux (Hauts-de-Seine) l’emportent chacune dans leur catégorie. Ce palmarès confirme assez fidèlement le classement établi par l’Insee en fonction de la proportion de salariés qui se rendent au travail à vélo, 16% à Strasbourg, 15% à Grenoble ou 11% à Bordeaux. Le baromètre récompense, en outre, les localités qui, depuis des années, voire des décennies, mènent une politique persévérante : modération de la vitesse motorisée, construction d’un réseau de transports publics, mesures permettant aux cyclistes d’emprunter les sens interdits ou de tourner à droite aux feux rouges, installation d’arceaux ou de locaux sécurisés de stationnement, etc. Mais ces lauréats ne peuvent pas pavoiser. Seules 6% des villes obtiennent la mention “favorable” ou “plutôt favorable”, une note supérieure à 3,5 sur 6. Aucune n’obtient la mention “excellent” ou “très favorable”. Les grandes villes plafonnent autour de 3 (Lyon 3,28 ; Lille 3,26 ; Paris, 3,16 et Toulouse 3,01). Les plus mauvais scores sont enregistrés près de la Méditerranée (Marseille 1,98 ; Nice 2,59 ; Montpellier 2,71), tandis que la proximité de l’Atlantique (Lorient 3,56 ; la Rochelle 3,81 ; Saint-Nazaire 3,4) ou des lacs alpins (Chambéry 3,76 ; Annecy 3,33) semblent plus propices au vélo. VÉLOS PARTAGÉS, PAS UNE PRIORITÉ Partout, les réclamations s’inscrivent dans la même logique. Les cyclistes du quotidien demandent en priorité des parcours séparés de la circulation automobile, le respect de ces aménagements par les conducteurs de voitures et de scooters et des facilités de stationnement, en particulier à proximité des gares. Les services de vélos partagés, Vélib’ à Paris, V’Lille dans la métropole lilloise, Velo’v à Lyon, ne font nulle part partie des priorités. Pourtant, les municipalités les ont installés à grands frais, pensant qu’ils suffiraient à convaincre leurs administrés à monter sur une selle. Les résultats du Baromètre ont été salués par la ministre des Transports, Élisabeth Borne, prompte à inclure la bicyclette dans sa feuille de route en faveur des « transports du quotidien ». La ministre, qui prépare la future loi d’Orientation des mobilités, avait expliqué, en décembre 2017, qu’il fallait « cesser de regarder le vélo avec condescendance, en considérant que c’est un sujet mineur ». La loi comportera, avait-elle dit, « une réelle politique en faveur du vélo ».