Industrie 5.0

Une chaire industrielle en éco-conception avec l'UTC

L’entreprise éditrice de logiciels PTC, l’école d’ingénieurs ECAM LaSalle et l’Université de technologie de Compiègne (UTC), s’associent pour la création d’une nouvelle chaire industrielle baptisée « ProActive Design for Sustainability ». L’objectif ? Que toute conception devienne une éco-conception par la prise en compte de façon intégrée des enjeux de développement durable et des impacts environnementaux.

Signature de la convention entre Claire Rossi, directrice de l'UTC, Didier Desplanche, directeur de l’ECAM LaSalle et PTC.
Signature de la convention entre Claire Rossi, directrice de l'UTC, Didier Desplanche, directeur de l’ECAM LaSalle et PTC.

L’objet de la chaire industrielle créée par PTC avec l’école d’ingénieurs ECAM LaSalle, installée à Lyon, et l’université de technologie de Compiègne (UTC) est d'allier recherche et l’innovation pour soutenir le développement durable. L’objectif est de développer des méthodologies appuyées par les nouvelles technologies de conception intégrant les enjeux de développement durable et la maîtrise des impacts environnementaux. Cela transparaît dans le nom de la chaire : « ProActive Design for Sustainability », que l’on peut traduire par « Éco-Conception proactive ».

PTC est un éditeur mondial de logiciels qui propose des solutions et des plateformes technologiques pour aider les entreprises industrielles à transformer leur façon de concevoir, fabriquer, exploiter et assurer la maintenance de leurs produits dans un monde intelligent et connecté avec une approche plus durable. Divers logiciels s’offrent à l’ingénieur-concepteur pour faire face à la diversité des problèmes auxquels il est confronté. Ainsi, l’entreprise américaine PTC, basée à Boston, propose des solutions et des plateformes technologiques pour accompagner les industriels dans leurs besoins de transformer leur façon de concevoir, de fabriquer, d’exploiter et d’assurer la maintenance de leurs produits.

« Les logiciels commercialisés sont nombreux et relèvent par exemple de la Conception Assistée par Ordinateur (CAO), de l’Internet des objets (IoT), de la Réalité Augmentée, tous pouvant être combinés pour atteindre l’objectif attendu. Exemple, quand le logiciel de CAO (Creo) est associé à un système IoT, il devient possible de récupérer des informations sur le comportement réel de produits sur le terrain et de nourrir ainsi, dans une sorte de boucle de rétroaction vertueuse, la phase de conception », explique Dave Duncan, vice-président de PTC.

L'ingénieur éco-concepteur

Tout est fait pour qu’un industriel puisse penser et optimiser la performance et la qualité de ses produits. « Cependant, depuis quelques années, au-delà des seules considérations de performances, se sont ajoutées des préoccupations relevant de l’écologie, de la préservation de l’environnement. Et ces aspects se traduisent notamment par des normes (ISO 14000, RoHS, REACH…) et directives à respecter, ce qui est particulièrement le cas en Europe, en pointe sur ce sujet. La question devient alors celle de répondre aux besoins et aux contraintes des industriels en matière de développement durable », précise Claire Rossi, directrice de l'UTC.

Dans le cadre du développement des logiciels proposés par PTC, il s’agit d’améliorer les solutions pour aider les clients dans leur processus de conception pour que celle-ci devienne désormais une éco-conception. Les enjeux sont multiples : améliorer les produits, se différencier de la concurrence, être en conformité avec les nouvelles réglementations. « À ce titre, l’intégration avancée de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les outils de CAO et de PLM transforme radicalement l’approche de l’éco-conception, en permettant une anticipation précise des impacts environnementaux dès les premières étapes de développement. Nous sommes dans l’ère de l’industrie 5.0, recentrée sur des aspects humains, environnementaux et de résilience », ajoute Bertrand Marconnet, enseignant-chercheur à l’ECAM LaSalle, l’école d’ingénieurs installée à Lyon.

Les trois porteurs du projet sont Murvin Boodhoo, directeur du département « Solutions Consulting » chez PTC, Benoît Eynard, responsable d’une équipe de recherche en génie industriel dans le laboratoire Roberval - Mécanique, Energie et Electricité - de l’UTC et Bertrand Marconnet, enseignant chercheur en génie industriel, à l’ECAM LaSalle.

Concrètement, l’ambition à terme est d’offrir au concepteur, notamment les clients de PTC toujours plus demandeurs en compétences d’écodesign, une certaine « intelligence » pour l’aider à faire les bons choix, privilégier une intention de conception plutôt qu’une autre, avec des critères environnementaux, comme l’impact carbone. « D’ailleurs, l’empreinte carbone d’un produit est déterminée à 80 % dans sa phase de conception. Il importe donc d’aller plus loin que, par exemple, simplement alléger une pièce, même si c’est important, car ainsi on économise de la matière première, de l’énergie. Pour y parvenir pleinement, plusieurs obstacles seront à franchir, qui sont autant de défis à relever, et donc d’attendus, pour la chaire », complète Murvin Boodhoo, Solutions Consulting Director à PTC.

L’atout de la circularité

Les données liées aux Analyses de Cycle de Vie (ACV) seront également prises en considération, puisqu’elles rendent compte des impacts environnementaux d’un système ou d’un objet, de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication jusqu’à sa fin de vie. Cependant, PTC et la chaire s’intéressent à un concept proche mais plus étendu, celui de « Product Lifecycle Management » (PLM), c’est-à-dire « gestion du cycle de vie d’un produit ». Et l’inclure dans les futures solutions qui naîtront de la chaire est un autre défi. « La chaire va se concentrer sur des produits en cours de conception qui seront exploités pendant les dix prochaines années, voire plus. Aussi, à travers le développement du PLM, l’objectif de la chaire est d’intégrer une part de prospective. Face à ce type de problématique, l’ingénieur-concepteur aura besoin d’une assistance pour formuler des hypothèses sur la fin de vie d’un objet ou sur son exploitation possible sur une durée de temps donnée, poursuit Benoît Eynard, enseignant-chercheur à l’UTC.

Cela pose la question du recyclage, aujourd’hui comme demain, à laquelle le PLM et la chaire se proposent de répondre. Dans les logiciels de « gestion de cycle de vie », il sera en effet possible de prendre en compte des pièces qui réintégreront par circularité une chaîne d’assemblage, ou tout simplement un processus de re-conception. « Une approche innovante intégrant les principes de l’économie circulaire au sein du PLM pourra, par exemple, faciliter le démontage et la réutilisation des composants grâce à des méthodes de conception pensées pour améliorer le désassemblage. En soulignant l’importance de la circularité pour le développement de solutions à intégrer dans le PLM, et permettre d’évaluer la durabilité des composants, en favorisant leur réutilisation et leur recyclage en alignant la soutenabilité associée », poursuit l'enseignant-chercheur.

Plus largement, un enjeu fondamental de la chaire est de penser la globalité des usages d’un produit, et notamment son retraitement en fin de vie. « Les aspects de durabilité deviennent systémiques et ne se limitent plus au simple choix d’un matériau ou de performances à atteindre dans un moteur, conclut-il. C’est tout un écosystème de pensée qui est à changer, pour concilier les attentes industrielles et celles d’une société attentive au sort de notre planète. »


D'une Ruche à une Chaire

L’histoire a commencé à Lyon, dans la « Ruche Industrielle », un collectif d’entreprises (Bosch, SNCF, Volvo, SEB...) et de grandes écoles où se côtoient depuis plusieurs années PTC et ECAM LaSalle. Les premières discussions autour de la chaire y ont débuté il y a deux ans. Dans les cursus de l’école, la conception occupe une place importante : les enseignants y sensibilisent les futurs ingénieurs aux différentes étapes du cycle de vie, aux principes de soutenabilité, d’économie circulaire et d’innovation technologique dès le début du processus de création. Par ailleurs, un partenariat à double sens relie de longue date PTC et l’UTC. En effet, les étudiants de l’université picarde utilisent dans leur formation des logiciels de l’entreprise américaine, et celle-ci a déjà recruté des diplômés de l’UTC. Aussi est-ce tout naturellement que les trois acteurs se sont retrouvés à co-construire la chaire, définir les attentes, répartir les responsabilités, déterminer les rôles de chacun dans le suivi des projets, l’évaluation des résultats à partir d’un « état de l’art » des bonnes pratiques liées à l’environnement déjà en usage dans la conception.