Innovation et RSE : pour des start-up de l'Oise, c'est l'avenir

Une table ronde instructive a été organisée par Astream et l'incubateur I-Terra, au sein des locaux de l'ESCOM, à Compiègne, le 12 décembre. Comment intégrer la RSE au sein de son entreprise, grâce à l'innovation, pour un avenir plus durable ? Entre convictions, développement et freins, des start-up de l'Oise ont témoigné de leur engagement sans faille... pour un changement de modèle économique. Mais la société est-elle prête ?

Cyril Noury, Julien Paque et Doran Piazza ont témoigné de leur expérience.
Cyril Noury, Julien Paque et Doran Piazza ont témoigné de leur expérience.

Le monde économique local est décidément dynamique, innovant et inspirant. Tout comme l'écosystème qui l'accompagne : pour mettre en lumière les actions des entreprises et évoquer des sujets d'intérêt général, l'incubateur I-Terra organise des rencontres sous forme d'échange entre entrepreneurs, partenaires et public. Ce soir-là, c'est le partenaire historique d'I-Terra, Astream (la plus grande agence Axa de Compiègne) qui mis en place cette table ronde, sous le thème de « Innover pour un avenir durable – Engagement des start-up dans la RSE ».

Sur scène, trois start-up qui ont fait de la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), le cœur et l'âme de leur activité, mais aussi la base de leur modèle économique, et ont mis l'innovation au service de la RSE. Cyril Noury, dirigeant d'Informa'Truck (Breil-le-Vert), Julien Paque, gérant de TchaoMegot (Bresles) et Doran Piazza, dirigeant de Murfy (Île-de-France) ont vivement témoigné, sans langue de bois, de leur stratégie entrepreneuriale pour faire perdurer la RSE dans leur entreprise.

Aurélie Chaussepied, start-up manager cher I-Terra, Stéphane Gadroy, gérant d'Astream et les trois entrepreneurs ont échangé ensemble autour de la RSE.

Un challenge remarquable relevé quand on sait que la RSE a été évoquée pour la première fois en 1972, lors de la Conférence des Nations Unis, et déployée à partir des années 2000. Mais très doucement : 22 ans après, le Baromètre RSE 2022 montre qu'il existe de nombreux freins au développement de cette politique au sein des entreprises, qui semblent non alertées sur les impacts positifs, tant sociétal, environnemental qu'économique. Selon ce baromètre, 80% des entreprises évoquent le manque de temps, 70%, quant à elles, la difficulté de mesurer l'impact, et 50%, le manque de connaissance sur ce sujet.

Exit le « greenwashing »

Certaines start-up ont fait pourtant le choix d'intégrer cette RSE, et ce dès la création de leur entreprise. Ces entrepreneurs alertent cependant sur l'usage de la RSE : pour eux, la raison d'être de cette politique réside dans son nom : la responsabilité. Car, selon eux, ce n'est pas une image marketing à créer mais de vraies actions à réaliser. Infrorma'Truck, lui, a lancé des camions-ateliers qui stationnent dans les petits villages de l'Oise pour permettre aux habitants de faire réparer leurs appareils informatiques ou d'en acheter des reconditionnés à bas prix. Et les réparateurs sont toutes des personnes en situation de handicap. « Faire de la RSE n'a pas de valeur ajoutée. La RSE réussie, c'est réfléchir à comment faire éthiquement mieux », témoigne-t-il, évoquant un problème profond qu'est « en France, on est plein de bonne volonté mais on ne fait pas. »

Même discours pour Doran Piazza, qui a créé Murphy, une entreprise de réparation d'électroménagers à domicile. « Notre objectif est de réduire l'achat d'électroménager neuf. Nous privilégions la réparation », explique le dirigeant de la start-up créé en 2019. En intégrant cet objectif – et cette conviction - la start-up entend faire changer le mode de consommation d'un secteur classé parmi les secteurs n’ayant pas souffert de la crise sanitaire, et qui a renoué avec son niveau pré-pandémique et l’a même dépassé en 2022. « C'est à nous d'innover et d'apporter des solutions pour faire changer les choses », argue Doran Piazza, très convaincu.

Les trois entrepreneurs ont fait de l'innovation un levier de développement de leur entreprise, tout en collant aux principes de la RSE. Par exemple, TchaoMégot, qui collecte, dépollue et transforme les mégots tout en faisant de la prévention contre les risques de la cigarette pour la santé, a créé une technologie pour dépolluer les mégots, ce qui représente un lourd investissement, de temps et financier mais qui permet d'impulser une dynamique autour de son projet. « Pour nous, l'innovation c'est de faire durer l'électroménager et faire changer l'image de la réparation », note quant à lui Doran Piazza.

Abandon de la rentabilité à tout prix

Qui dit RSE intégrée à 100%, dit modèle économique à créer, dans un monde où la rentabilité demeure au cœur des fondements d'une entreprise. Le financement pour ces start-up représente un défi, et trouver un modèle économique fiable, le sujet majeur. À contre-courant, TchaoMégot - qui fait partie des 18 entreprises les plus innovantes de France – s'autofinance depuis sa création. Grâce aux différents labels obtenus qui ont permis à la start-up de décrocher des marchés, le chiffre d'affaires est grimpé, en 2022, à 1,6 million d'euros, pour un investissement de départ de 3 000 euros. Cependant, pour passer à l'étape supérieure, Julien Paque va intégrer un investisseur car « pour passer à l'industrialisation à plus grande échelle, il faut un investissement de 50 millions d'euros, ce qui est impossible seul aujourd'hui. »

Mais pour survivre avec la RSE, pour quel modèle économique opter ? Si Cyril Noury a choisi de ne pas faire la course ni à la rentabilité ni aux subventions et a décidé de carburer avec ses valeurs, Doran Piazza a intégré des actionnaires dans son modèle économique, dès le début : « Pour moi, il faut un projet économiquement viable pour faire de l'écologie. Mais par contre, en aucun cas je changerai d'objectifs ou de convictions contre de l'argent. »

Une RSE réalisable ?

Mais quid de l'intégration de la RSE en 2023 ? Car il faut dire que ces trois acteurs locaux bousculent les grands noms, qu'ils soient fabricant de cigarettes, de sèches-linges ou de smartphones, mais bousculent aussi un modèle économique bien en place. À l'unanimité, ils placent également cette responsabilité au niveau de l’État, évoquant, par exemple, des appels d'offres pour lesquels le critère demeure le prix, donc difficile, voire impossible, à obtenir pour des entreprises telle que celles-là, ou encore des réglementations à changer.

Alors le chemin est long pour la RSE. S'il est semé d’embûches, est-il impossible ? « Grâce aux économies d'échelle que nous prônons, nous montrons qu'il est possible d'inverser le modèle économique, explique Julien Paque. On prouve que recycler coûte moins cher que l'enfouissement. »

« Des petits acteurs mais qui bousculent les plus grands et actionnent un nouveau modèle économique », comme définit, Cyril Noury, les entreprises qui intègrent la RSE dans leur modèle économique. Les forces de ces « petits » acteurs – mais bien grands par leurs actions - sont indéniablement leur conviction et leur résilience. Plus qu'une démarche, la RSE ne serait finalement pas l'aspiration des entreprises pour amener la société, avec le temps, vers un modèle plus sociétal et environnemental de l'économie et changer les consciences ?