Entretien avec Grégory Mouy, président de la CRCC Hauts-de-France

« L'économie a besoin de transparence »

Depuis le 1er novembre 2020, les Compagnies régionales des commissaires aux comptes d'Amiens et de Douai se sont regroupées pour devenir la CRCC Hauts-de-France. Présidée par Grégory Mouy, cette nouvelle instance – la quatrième de France – entend relever les défis qui attendent la profession, ébranlée depuis 2019 par la loi PACTE qui modifie les règles de désignation des commissaires aux comptes (CAC), et relève les seuils de l'audit légal obligatoire.

Grégory Mouy, président de la CRCC Hauts-de-France.
Grégory Mouy, président de la CRCC Hauts-de-France.

Picardie La Gazette : Jean Bouquot, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, en Assemblée générale au Touquet en octobre 2020, restait confiant malgré le nouveau cadre dicté par la loi PACTE. Est-ce votre cas ?

Grégory Mouy : Nous avons subi les assauts de cette vague, qui a quelque peu décrédibilisé le CAC dans ses fonctions. Notre périmètre d'intervention a été réduit et il est parfois compliqué d'inciter le chef d'entreprise à nous ouvrir ses portes. Mais nous constatons que de nombreuses entreprises transforment le mandat légal en mandat contractuel. Pour autant, nous ne pouvons pas encore mesurer l'impact réel de la loi PACTE. Malheureusement, quand on parle d'économie significative que peuvent réaliser les dirigeants, on se rend bien compte que cette économie ne sera pas compensée par rapport à ce qu'ils peuvent perdre, par le défaut de la transparence et de l'intervention des CAC. Je rappelle les principaux volets de notre intervention. D'abord, une analyse des risques de l’ensemble des process qui concourent à l’établissement de comptes annuels, analyse qui permet de protéger l’intérêt des associés, des membres des associations, des partenaires financeurs et contribue plus largement à la protection de l'intérêt général. Notre action nous place comme acteur de la prévention des entreprises en difficulté. Ensuite, la protection de l'intérêt général, dans le cadre de la prévention des entreprises en difficulté, et, enfin, la révélation de fraudes et de faits délictueux auprès du procureur de la République, mais ces déclarations ne sont pas fréquentes.

Avec également, un rôle de la prévention des difficultés des entreprises ?

Quand le CAC détecte des éléments qui pourraient compromettre la continuité de l'exploitation de l'entité, il se doit d'informer le dirigeant, qui, en général, en a conscience. Il ne faut pas voir dans l'alerte uniquement une procédure de sanction. Au contraire, nous sommes là pour détecter en prévention du futur. Plus tôt les difficultés sont détectées, plus vite elles sont contenues. Le CAC n'est pas un grand méchant loup ! C'est une idée reçue. Dans ce contexte sanitaire particulièrement anxiogène, une crise économique majeure suivra. Les CAC doivent être des acteurs du plan de relance, forts de cette mission de détection des faiblesses des entreprises.

La profession semble encore avoir besoin de se faire connaître...

Effectivement, nous avons un gros effort de communication à faire et c'est ce que je souhaite réaliser durant mon mandat, tout en assurant l'attractivité de la profession auprès des jeunes pour continuer à recruter des talents. La fusion des deux CRCC entre aussi dans cette volonté. Suite à la loi PACTE, le Gouvernement a demandé à la Compagnie nationale de se restructurer pour repenser la représentativité territoriale. De 33, nous sommes passés à 17 CRCC, dont celle des Hauts-de-France qui regroupe les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Oise, de l'Aisne et de la Somme. Soit environ 1 000 personnes physiques et morales. Les Hauts-de-France arrivent en quatrième place après Paris, Lyon et Marseille. Je souhaite que nous nous rapprochions des parties prenantes et de l'environnement de l'entreprise pour que le rapport que nous remettons à la fin de nos travaux soit interprété comme il se doit. Il est lourd de conséquences et d'informations, même si le rapport est normé. Il faut apprendre à le déchiffrer et savoir quelle est la marque de fabrique du CAC et, justement, ce qu'est la certification des comptes. Cela va prendre toute son ampleur avec cette crise sanitaire : nous allons avoir besoin d'une transparence financière pour continuer à investir, être compétitifs, former les équipes... Nous sommes là pour certifier la transparence de ces états financiers. Quand le CAC certifie les comptes, cela doit être interprété favorablement par le monde de l'entreprise. À nous d'expliquer nos missions.

Quels sont les principaux chantiers des CAC pour les années à venir ?

Il y a inévitablement une transformation numérique des entreprises et, en tant que CAC, nous bénéficions de formations sur la cyberattaque : nous ne sommes pas informaticiens mais nous pouvons identifier des risques qui pourraient compromettre la sécurité électronique des entreprises. La loi PACTE, par le biais de l'ALPE (audit légal des petites entreprises), a permis d'adapter nos interventions dans les entités de taille plus modeste, ce qui soulage également les coûts. Le CAC ne fait pas que certifier des chiffres – même si c'est la finalité de sa mission – : il intervient en amont lors du contrôle interne. Chaque cycle est étudié par le CAC et c'est pour cela que nous sommes nommés sur une période de six ans. Dans les engagements pris lors de la Convention nationale [ndlr, à Lille, en 2018], nous avons misé sur la confiance ; nous avons misé sur la confiance générée par la certification des états financiers et par leur transparence, garanties de l'intérêt général mais aussi d'une concurrence loyale.

Comment voyez-vous l'avenir des entreprises, pour 2021 ?

On a pu constater une baisse de l'ordre de -30 à -35% des déclarations de cessions au 31 décembre 2020. L'économie est sous perfusion par le soutien du Gouvernement. Pour les entreprises qui ont contracté un PGE, il faut être vigilants et essayer d'étaler cette dette sur une durée, à mon sens, la plus longue possible. Pour les entreprises déjà en difficulté, il est clair que la situation restera difficile : on va leur demander un niveau de rentabilité supérieure pour pouvoir rembourser l'emprunt. Il faut soulager les trésoreries, continuer d'investir, être réactifs afin de de pas se trouver confrontés à une impossibilité de remboursement du PGE. La concertation de l’ensemble des acteurs de l’économie est impérative pour assurer une relance pérenne.


La composition du Conseil régional de la CRCC

- Président : Grégory Mouy.

- Vice-présidente : Isabelle Dupont.

- Vice-président : Fabien Corneillie.

- Vice-président : Frédéric Tilly.

- Secrétaire : Emmanuelle Van Isacker.

- Trésorière : Charlotte Querret.