L’entreprise et les salariés

Revue de récentes décisions de la Cour de cassation, en matière de droit du travail.

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Licenciements

Un salarié ne peut s'approprier des documents appartenant à l'entreprise que s'ils sont strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans un litige l'opposant à son employeur, à l’occasion de son licenciement. (Cass soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-18577)

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à la cessation d'activité de l'entreprise. Seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute de ce dernier. Une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. (Cass soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-16041)

Au titre de son obligation de reclassement, l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même le licenciement serait subordonné au refus par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui a été proposé. (Cass soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-13121)

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. En l’espèce, sont tirés de la vie personnelle du salarié et ne sont pas susceptibles de constituer un tel manquement les faits de vols de chèques, falsification et usage de chèques falsifiés ou contrefaits au préjudice de son ancien compagnon qui, ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive, ont été commis en dehors du temps et du lieu de travail et sans que l’intéressé n’utilise les moyens mis à sa disposition par la banque qui l’emploie. (Cass soc., 9 novembre 2022, pourvoi no 20-23172)

Autres décisions

Fichiers numériques : preuve

Les dossiers et fichiers créés par le salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son entreprise, pour l’exécution de son travail, sont présumés, sauf si celui-ci les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il en résulte que la production en justice de fichiers n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du Code civil et 6 (paragraphe 1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, rendant irrecevable ce mode de preuve. Une cour d’appel ne peut pas rejeter des débats les pièces litigieuses, qui proviennent de l’agenda électronique de la salariée, disponible sur son ordinateur professionnel, sans rechercher si ces pièces ont été identifiées comme étant personnelles par leur auteur. (Cass soc., 9 novembre 2022, pourvoi no 20-18.922)

Santé au travail : reclassement

Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel. (Cass soc., 16 novembre 2022, pourvoi n° 21-17255).

François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale