L’INSEE DRESSE UN CONSTAT MITIGÉ DE L’ÉTAT ÉCOLOGIQUE DE LA FRANCE

L’INSEE DRESSE UN CONSTAT MITIGÉ DE L’ÉTAT ÉCOLOGIQUE DE LA FRANCE

L’état écologique de la France se dégrade, mais une économie verte se déploie, selon une étude de l’Insee, dévoilée peu avant la tenue du One Planet Summit de Paris. Par exemple, l’agriculture biologique fait la preuve de son efficacité économique, démontre l’Institut de la statistique.

Un bilan écologique plus que mitigé, mais une économie verte qui se développe. Ce 5 décembre, lors d’une conférence de presse à Paris, l’Insee présentait sa nouvelle publication, Les acteurs économiques et l’environnement, édition 2017. Parmi les thèmes explorés figurent, notamment, l’état écologique du pays et le “verdissement” de l’économie.

« Malgré une mobilisation des acteurs économiques et locaux, la situation de l’environnement ne s’améliore pas […] L’ensemble des objectifs assignés par l’Union européenne en matière d’environnement ne sont pas atteints », démarre Irénée Joassard, chef du bureau de l’état des lieux, au ministère de la Transition écologique et solidaire. Ainsi, en ce qui concerne la qualité de l’eau, « le constat est mitigé », explique le responsable. D’après l’étude, des investissements réalisés depuis le dé- but des années 2000 pour mettre aux normes les stations d’épuration ont permis de réduire les rejets de certains polluants dans les cours d’eau, et donc, d’améliorer la qualité de leurs eaux. Toutefois, les pratiques agricoles continuent d’engendrer une pollution des nappes souterraines et des cours d’eau, avec des nitrates et des pesticides. Même constat sur la qualité de l’air : les études rapportent une diminution des émissions de particules fines.

Toutefois, « la France connaît régulièrement des épisodes de pollution locale ou nationale », rappelle Irénée Joassard. Autre bilan contrasté, celui concernant la biodiversité : grâce aux dispositifs de protection mis en place, certaines espèces protégées, comme la loutre, par exemple, voient leurs effectifs augmenter. En revanche, la biodiversité dans son ensemble demeure menacée par une pression constante, faite d’artificialisation des sols, de pratiques agricoles intensives et de changements climatiques, qui dégrade la situation. Conséquence, entre 1989 et 2015, en métropole, près du quart des effectifs des oiseaux dits communs ont disparu. Quant au changement climatique, là aussi, le bilan s’avère contrasté. Certes, avec 6,6 tonnes par habitant et par an, la France est l’un des pays industrialisés les moins émetteurs de gaz à effet de serre, si l’on rapporte ce chiffre à sa population. Et depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre produites en France ont diminué de 16,4%. Reste que sur la même période, l’empreinte carbone du pays, qui comprend les émissions de gaz à effet de serre des biens et services consommés dans le pays, quel que soit leur lieu de production, a augmenté de 11%. En cause : la croissance des importations. Dernier paramètre enfin, l’utilisation de matières premières par l’appareil productif en France n’a pas diminué. L’augmentation de la population, les tendances de consommation et l’obsolescence rapide des biens annulent l’impact de plusieurs tendances positives, comme le développement de l’utilisation des énergies renouvelables, une meilleure valorisation des déchets et le développement de l’économie circulaire.

LE LAIT BIO PLUS RENTABLE QUE LE LAIT CONVENTIONNEL

L’étude de l’Insee s’attache également à mesurer les interactions entre environnement et économie. D’après les analystes, c’est une véritable économie verte qui se développe et compte jusqu’à un million d’emplois. En particulier, les éco-activités, définies comme celles dont la finalité réside dans la production de biens et de services visant la protection de l’environnement, ont cru de 33% en dix ans, pour atteindre 440 950 emplois, soit 1,7% de l’emploi total en France. Et parmi les domaines les plus dynamiques figurent les énergies renouvelables, le traitement des déchets et des eaux usées, et l’agriculture biologique. Un secteur économiquement viable, à en suivre l’étude menée sur un échantillon de 1 800 exploitations bio, par le ministère de l’Agriculture. « Il s’agit d’un mode de production agricole qui connaît une dynamique importante depuis 20 ans », explique Vincent Marcus, chef du bureau des statistiques sur les productions agricoles au ministère de l’Agriculture.

Aujourd’hui, la France compte environ 32 000 exploitations en bio, d’après l’Agence Bio, soit 7,3% des exploitations agricoles, qui représentent 10,8% de l’emploi et 5,7% de la surface cultivée. En 1995, elles étaient moins de 5 000 exploitations. D’après l’étude menée dans les domaines de la viticulture, du maraîchage et du lait de vache, des prix de vente plus élevés, une meilleure maîtrise des charges et le recours à des circuits de distribution courts viennent compenser une productivité plus faible. Dans les trois cas, les exploitations bio dégagent au final un excédent brut d’exploitation supérieur à celui des exploitations traditionnelles.

Pour les viticulteurs bio, les prix de vente sont nettement plus élevés que ceux en conventionnel (de 10 à 40%). En revanche, ces exploitations nécessitent une fois et demi plus de main d’œuvre que les autres. Le cas des maraîchages est un peu différent : les prix de vente sont un peu inférieurs en agriculture bio, mais ce manque à gagner est compensé par une meilleure maîtrise des achats intermédiaires.

Enfin, concernant le lait, « la production par tête en bio est un peu en deça des autres. Mais le prix du lait en bio, de près de 20% supérieur, atténue ce différentiel de productivité. De plus, ces élevages ont une meilleure maîtrise de leurs coûts intermédiaires, car ils achètent moins d’aliments à l’extérieur », décrit Vincent Marcus. À cela s’ajoute une subvention spécifique au lait bio, qui se cumule avec celles touchées par l’ensemble des producteurs de lait. Par ailleurs, « tout ne s’explique pas seulement par les facteurs de production. Les exploitations bio ont beaucoup plus recours au circuit court. 90% des maraîchages bio l’utilisent, contre moins de 50% pour les autres. Cela contribue à tirer les résultats vers le haut, en supprimant les intermédiaires », conclut l’expert.