Utiliser la géolocalisation pour contrôler la durée du travail des salariés

Le droit pour l’employeur de surveiller et contrôler ses employés est inhérent au contrat de travail.
Le droit pour l’employeur de surveiller et contrôler ses employés est inhérent au contrat de travail.

Le droit pour l’employeur de surveiller et de contrôler ses salariés sur le lieu et pendant le temps de travail est une prérogative découlant directement du lien de subordination inhérent au contrat de travail. Bien que le recours à un dispositif de géolocalisation puisse s’avérer très utile pour l’employeur, il n’en demeure pas moins que de nombreuses règles doivent impérativement être respectées afin que la vie privée des employés soit préservée.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018 (Cass. Soc. 19 décembre 2018 n°17-14631) est l’occasion de faire le point sur les règles à respecter en la matière.

  1. Le recours à un système de géolocalisation

    La géolocalisation permet aux employeurs, privés ou publics, de prendre connaissance de la position géographique, à un instant donné ou en continu, des salariés par la localisation d’objets dont ils ont l’usage ou des véhicules qui leur sont confiés. Dans la mesure où l’utilisation de ce système de surveillance est considéré comme invasif, des conditions strictes de mise en œuvre doivent être observées. Dans un premier temps, les représentants du personnel, s’ils existent, doivent préalablement, être informés et consultés sur les moyens et les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. Le Délégué à la protection des données (DPO) doit également être associé à la mise en œuvre du dispositif.

    Puis, chaque salarié doit être informé :

    – de l’identité du responsable de traitement,

    – des finalités poursuivies,

    – de la base légale du dispositif (obligation issue du Code du travail par exemple, ou intérêt légitime de l’employeur),

    – des destinataires des données issues du dispositif de géolocalisation,

    – de son droit d’opposition pour motif légitime,

    – de la durée de conservation des données,

    – de ses droits d’accès et de rectification,

    – de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL.

    L’information des salariés doit être expresse. Elle peut donc se faire au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service par exemple. En outre, le système de géolocalisation doit être désormais inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur. Rappelons enfin que les informations recueillies dans ce cadre ne doivent pas être conservées plus de deux mois (ou cinq ans lorsqu’elles sont utilisées pour le suivi du temps de travail).

    2. La nécessité d’un système justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché

    Pour que le recours à un tel dispositif soit valable, il faut impérativement que ce système de géolocalisation soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1). Les données doivent être collectées et traitées de manière loyale et licite. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et des traitements ultérieurs (art 6, loi 78-17 du 6 janvier 1978).

    À ce titre, la Chambre sociale de la cour de cassation, dans un arrêt du 19 décembre 2018, rappelle que :

    – L’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par d’autres moyens, même moins efficaces que la géolocalisation ;

    – La géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

    En l’espèce, un syndicat contestait la validité d’un système de géolocalisation mis en place par une entreprise. Ce dernier a ainsi proposé des modes alternatifs de suivi du temps de travail (le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable d’enquêtes). La Cour d’appel a considéré que ces modes alternatifs n’étaient pas adaptés au but recherché et a ainsi validé les mesures mises en place par l’entreprise.

    La Chambre sociale a censuré cette décision au motif que la Cour d’appel n’a pas caractérisé que ce système de géolocalisation était le seul permettant de contrôler la durée du travail des salariés. Les juges doivent, par conséquent, rechercher si la géolocalisation était le seul moyen permettant ce contrôle.

    Rappelons enfin que la responsabilité des entreprises en la matière a été renforcée par les dispositions issues du Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD), entré en vigueur en date du 25 mai 2018.

    À charge pour les employeurs de veiller au respect des règles précitées sous peine de sanctions financières alourdies